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Adolescents et écrans : un sujet de société

11h00 - 20 octobre 2023 - par Info Clermont Métropole
Adolescents et écrans : un sujet de société
Il est souhaitable de réserver des temps sans écrans pour privilégier d'autres activités récréatives et sociales (sports, amis...) - © DR

Après avoir traité la surexposition aux écrans pour les enfants, Marc Ferrero, Psychologue clinicien, co-auteur de « l'enfant et ses complexes » revient sur le rapport des adolescents avec les réseaux sociaux, les jeux vidéos et le risque d'isolement.

Cette révolution numérique est considérée comme un tournant analogue à l'invention de l'imprimerie. Chacun a l'impression d'être confronté à une économie d'abondance fournie par le numérique car il y a un ajustement incessant et sans limite de l'offre à la demande...

À l'adolescence, la question des réseaux sociaux et des jeux vidéos seul ou en ligne devient un vrai sujet de société. Les jeux en ligne ont pris une telle ampleur que l'Organisation Mondiale de la Santé vient d'inscrire dans la Classification Internationale des Maladies publiée en 2022 le trouble du jeu vidéo comme un comportement lié à la pratique des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prend le pas sur d'autres centres d'intérêt avec la poursuite de la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables.

Pour que ce trouble soit diagnostiqué comme tel, le comportement doit être d'une sévérité suffisante entraînant une altération non négligeable des activités personnelles, familiales, sociales, éducatives, professionnelles et, en principe, se manifester clairement sur une période d'au moins 12 mois avec des pertes de contact avec son entourage.

Ce qui ne veut pas dire addiction car - bonne nouvelle ! - il n'y a pas de sevrage physiologique à pratiquer, ni, en principe des risques de rechute...

Manipulé

Puis, il y a les réseaux sociaux dont un humoriste disait qu'« être populaire sur Facebook, c'est comme être riche au Monopoly ! » et qui entraîne le syndrome de la peur de rater quelque chose ! C'est bien ce sur quoi tablent aussi les chaînes d'information en continu en distillant des faits plus ou moins spectaculaires mais qui accrochent le téléspectateur.

Outre que tout reste sur internet : photos comme propos, les capacités d'hameçonnage - « fishing » pour les anglophiles - sont spectaculaires et je connais nombre d'adolescents qui se trouvent aujourd'hui pris dans la nasse de sectes qui les manipulent et exigent d'eux des comportements de toutes natures.

La MIVILUDES reçoit des milliers de saisines chaque année. Plus de 4 000 signalements en 2021...

Une sorte d'altération ou de confusion entre l'espace public et l'espace intime entraîne beaucoup d'adolescents ou de jeunes adultes à s'exhiber sur la toile sans en percevoir le caractère toxique devenant ainsi des proies faciles pour tous ceux qui veulent en retirer des bénéfices financiers, sexuels ou sociaux.

Des employeurs n'hésitent plus à consulter les profils de ceux qui postulent dans leurs entreprises... Sans compter l'anonymat, encore pour quelque temps, où on peut dire tout et n'importe quoi et détruire une réputation et/ou une personne en quelques clics.

Grâce aux phénomènes des algorithmes ayant pour effet de rediriger à l'infini l'internaute vers des contenus similaires à ses précédentes recherches, le risque est créé pour celui-ci de ne plus rencontrer que des confirmations de ce discours, même si celui-ci serait extrêmement minoritaire.

Il est donc facile d'être manipulé, lorsque les occurrences suggérées par le moteur de recherche de Google ou par le fil d'information de Facebook sont ultra-personnalisées. Au fil du temps passé à renseigner plus ou moins directement les différents algorithmes, chacun finit par n'accéder qu'à sa propre réalité.

Progressivement, on intègre l'idée fausse que tout le monde est d'accord avec nous, parce que notre flux d'actualité ne montre que cela. De nombreux ingénieurs de « la Silicon Valley » aux USA, Bill Gates ou Steve Jobs, ont interdit à leurs enfants écrans et réseaux sociaux.

Troubles de l'identité

Santé et bien-être sont les premiers concernés. Des sites personnalisés évoquent chez les adolescents des troubles dissociatifs de l'identité dans lesquels de nombreux adolescents peuvent se reconnaître et certains annoncent même qu'ils vont recourir au suicide assisté... On imagine le prosélytisme... à une époque où ces adolescents sont particulièrement fragiles et submergés par des vagues de tristesse, de dépression mais aussi de violence quelquefois. Aujourd'hui, près d'un adolescent sur six est concerné par un trouble psychique ou psychiatrique...

La dépression est un phénomène en extension : de moins de 5 % en 2014 à 22 % en 2020 pour les 15-24 ans. 1 élève sur 4 a déjà joué à des jeux d'argent et 5,5 % ont consommé du protoxyde d'azote...

En conclusion, il est souhaitable de réserver des temps sans écrans pour privilégier d'autres activités récréatives et sociales (sports, amis...).

Savoirs

Cependant, il ne s'agit pas de devenir « technophobe ». Les écrans sont omniprésents de la maison à l'école. Ils exercent une fascination sur les enfants et les adolescents.

Il suffit de côtoyer un adolescent pour mesurer l'impact qu'Internet ou les réseaux sociaux qui multiplient les communications possibles, qui font disparaître les distances et ouvrent sur un univers d'informations et de savoirs. Par leur accès immédiat et leurs potentialités sans limite, les écrans constituent de nouveaux outils de plaisir et de pouvoir dont les plus jeunes d'entre nous usent avec beaucoup de constance : pour le meilleur ou pour le pire ?

Marc Ferrero Co-auteur du livre « L'enfant et ses complexes » avec Jean-Marie Besse. marcferrero@wanadoo.fr

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