Marc Ferrero : « Il faut en parler avec son enfant. Son corps lui appartient. Son intimité aussi. »
70 enfants meurent chaque année victimes de mauvais traitements au sein de leurs familles, 15 000 enfants sont violés par an et 75 000 sont maltraités. Entretien avec Marc Ferrero, Psychologue clinicien, co-auteur de « l'enfant et ses complexes » (1).
Le Puy-de-Dôme s'est vu confier 3 104 enfants par l'Aide Sociale à l'Enfance dont 1 600 en hébergement en 2023. Depuis le confinement, les mauvais traitements et les sévices sexuels sur les enfants ont augmenté mais ils sont aussi mieux détectés.
Qu'est-ce qu'une agression sexuelle et ses différentes formes ?
Selon la définition du Code pénal, une agression sexuelle, c'est « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ». Cela concerne aussi les actes à l'étranger pour lutter contre le tourisme sexuel comme en Thaïlande par exemple. Il ne faut pas imaginer que les Français ne seraient pas soumis à cette loi. Le viol lui même a une autre définition : « tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu'il soit commis sur la personne d'autrui avec violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ». Les sanctions sont aggravées dès lors que la personne a un ascendant comme le père ou la mère ou une autorité comme un enseignant. C'est aggravé encore s'il y a acte de cruauté ou de barbarie.
Combien de cas d'agressions par an en France ?
En 2023, il y a eu entre l'inceste, la pédophilie, l'atteinte sexuelle, l'agression sexuelle, 160 000 cas en France. Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'Enfance au sein du gouvernement jusqu'en 2024, disait que cela équivalait à 2 à 3 enfants par classe.
Y a-t-il des enfants plus vulnérables ?
N'importe quel enfant peut être attaqué. Mais certains sont plus exposés comme ceux dont la cellule familiale est perturbée, ou le père est absent, indépendamment de tout milieu socioculturel. Ensuite, les enfants qui ont été longuement hospitalisés et ne savent pas différencier ce qui est de l'ordre de la caresse ou du soin sont vulnérables. Ou des enfants qui ne sont pas protégés par leurs parents, qui sont laissés seuls dehors par exemple. Les prédateurs savent localiser les enfants qui cherchent de l'affection et qui n'instaurent pas de distance physique avec l'adulte. C'est leur façon d'être, ils ne sont pas en cause car c'est à adulte de savoir les limites. L'enfant ne sait pas à quoi il s'expose, il n'est pour rien dans ces agressions. L'enfant ne provoque pas.
Faut-il se méfier de tout le monde quand on laisse son enfant dans une structure éducative ou un club de sport par exemple ?
La plupart des abus sexuels commis contre les enfants ou les adolescents sont commis par une personne proche de l'enfant. Un commissaire de police disait : « là où il y a des enfants, il y a des pédophiles. » Ce n'est pas rassurant mais en crèche ou dans les écoles, il y a des personnes attirées par les enfants. Normalement, un extrait numéro 3 du casier judiciaire est demandé mais certains passent au travers des mailles. Quand ils ne sont pas cachés derrière un ordinateur et sur les réseaux sociaux. C'est pour ça qu'il faut en parler avec ses enfants avant l'adolescence pour aborder la question du corps qui appartient à l'enfant. Leur intimité aussi. On trouve des livres aussi en France pour les alerter là-dessus. Personne n'a le droit de toucher son corps à part ses parents pour certaines occasions comme la toilette. Il faut l'enseigner aux enfants dès le plus jeune âge.
Comment déceler un cas avec l'enfant et comment en parler ?
Le premier point c'est l'intérêt ou le désintérêt pour la chose sexuelle. Si certains enfants ont des propos très crus et très « sexués » il faut s'interroger. Certains ont des troubles du sommeil, sont dépressifs, anorexiques, boulimiques ou ont une scolarité perturbée. Il y a une multitude d'exemples qui montrent que les enfants sont profondément perturbés. Certains enfants expriment cela par le dessin. Ils dessinent des formes qui font penser à des organes sexuels. Les enfants qui révèlent d'eux-mêmes un abus sexuel disent habituellement la vérité. Parfois certains enfants mentent mais il faut toujours prendre en considération sa parole. Après la justice fera son travail et si les faits sont exacts, il est d'autant plus important qu'il soit entendu et que sa parole soit considérée comme fiable. C'est très important pour que l'enfant quitte son statut de victime et commence un travail, pour continuer à vivre.
Comment agir et réagir ?
Le professionnel qui suspecte un abus sexuel et qui ne prend pas les mesures de protection nécessaires est lourdement responsable du point de vue éthique et pénal.
Pour faire un signalement, il n'est pas nécessaire d'avoir la certitude ou la preuve de l'abus, ni de savoir qui est l'auteur. On peut appeler le numéro 119 (2). Donnez à votre enfant les moyens de se protéger : informez-le, apprenez-lui à trouver des solutions par lui-même sans paniquer. Écoutez-le. Parlez-lui. Développez des solidarités dans votre quartier. Faites connaissance avec vos voisins. Sentez-vous responsables des copains de vos enfants.
(1) Ed. Mardaga. 288 p. marcferrero@wanadoo.fr. (2) En 2022, le numéro vert « 119 - Allô enfance en danger » a sonné plus de 40 000 fois.
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