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Au chevet d'une santé mentale en état de choc

15h22 - 05 novembre 2024 - par Info Clermont Métropole
Au chevet d'une santé mentale en état de choc
La pédopsychiatrie souffre d'un manque flagrant de médecins, d'infirmiers et de structures de soins.

Le 1er ministre veut faire de la Santé Mentale une « grande cause nationale » pour l'année 2025 en raison de son insuffisance à soigner... Comment en est-on arrivé là ? Marc Ferrero, Psychologue clinicien, nous éclaire.

Depuis plus de 50 ans, les services publics de la Santé Mentale en France sont en perte de vitesse et atteignent aujourd'hui un niveau très préoccupant par son incapacité à prendre en charge tous les maux psychiques de la population française.

Tout a commencé avec ce que l'on appelle « la sectorisation » de la psychiatrie qui a abouti à la volonté de diminuer drastiquement le nombre de lits en hôpital psychiatrique (HP) devenu depuis le centre hospitalier spécialisé (CHS.

Explosion chez les jeunes

Aujourd'hui, chacun est inquiet devant les difficultés de prise en charge des personnes souffrant de pathologies psychiques depuis le jeune enfant laissé

sans soins dans sa famille en raison de l'absence de place dans les structures dévolues à ses problèmes (IME, CLIS, ITEP...) en passant par les adolescents et les personnes âgées.

La demande en soins en psychiatrie a explosé en particulier chez les jeunes

depuis l'épidémie de COVID avec pour causes les idées suicidaires, les troubles anxieux et dépressifs, les troubles alimentaires, la déscolarisation et les violences intrafamiliales déjà évoquées et qu'il ne s'agit pas de sous-estimer. Si l'on ajoute les addictions, la violence, les agressions on comprend combien aujourd'hui la psychiatrie se trouve dépassée d'autant qu'elle aussi à faire face aux demandes des personnes victimes des réseaux sociaux, les migrants, les personnes âgées et tous les déclassés de la sphère sociale à un titre ou à un autre.

1 Français sur 5

Pour se résumer, 1 Français sur 5 est touché par un trouble psychiatrique ou psychique, soit 13 millions de personnes (données OMS).

Ces troubles recouvrent des pathologies aussi diverses que les troubles anxieux, la dépression, les troubles bipolaires, post-traumatiques, ou neurodéveloppementaux, des troubles de l'alimentation ou encore la schizophrénie. Nous savons que le taux de suicide en France est l'un des plus élevés parmi les pays européens. La dégradation de la santé mentale de nos compatriotes est préoccupante et celle des plus jeunes est alarmante surtout si l'on prend en compte les méfaits du smartphone (cf. Clermont Infos 63 N°1787 et N°1788).

En effet, selon un récent rapport de la Cour des comptes qui, lui, a été publié en 2023, on estime qu'environ 1 600 000 enfants et adolescents souffrent d'un trouble psychique et que 600 000 à 800 000 d'entre eux présentent des troubles importants.

Et pourtant, nous assistons à une véritable désertification psychiatrique : près de 30 % des postes de psychiatres hospitaliers sont vacants et le nombre de postes d'infirmiers non pourvus a doublé entre 2019 et 2022.

Entre 2010 et 2022, le nombre de pédopsychiatres a diminué de 34 %. Ils sont à peine plus de 2 000 aujourd'hui, à tel point que le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie qualifie la pédopsychiatrie de « spécialité sinistrée ».

Dans le même temps, la pédopsychiatrie souffre d'un manque flagrant de médecins, d'infirmiers et de structures de soins.

A titre d'illustration, il y a actuellement 35 professeurs de pédopsychiatrie en France ! (Le Point - mars 2023 N°2639) Le ministère de la Santé notait en 2023 que le nombre de pédopsychiatres était en chute libre de 34 % sur la dernière décennie et plus de

50 % ont un âge supérieur à 62 ans ! Et nous savons que le mal est aussi profond pour les psychiatres et les gériatres et leurs structures.

Que faire alors ? Tout nous semble à repenser dans un univers actuellement très dégradé :

1. Prendre la décision très rapidement de former des psychologues et des psychiatres avec des salaires décents et des horizons plus séduisants.

2. Mailler la psychiatrie au plus proche de l'habitat des intéressés.

3. Redonner à l'école une vocation d'accompagnement des élèves et de dépistage des difficultés avec une médecine scolaire digne de ce nom.

4. Créer aux côtés de l'école des structures particulières pour aider celle-ci à prendre en charge les enfants en difficultés mentales.

5. Combattre les inégalités de soins dans la population générale : aujourd'hui, il faut attendre une quinzaine de mois pour avoir une chance de prise en charge dans un CMP !

Pour conclure et si le gouvernement veut faire de la Santé Mentale sa priorité, il faut savoir que le montant des dépenses en termes d'assurance-maladie coûte

aujourd'hui 163 milliards d'euros !

C'est tout à la fois le coût des maladies psychiatriques et leurs conséquences sur la santé mentale au travail (dépression, burn out, conflits) en termes d'arrêt-maladie.

Mettre en balance le coût de ces maladies et le soin à apporter réenchante la prise en charge des maladies sans discussion.

Marc Ferrero Psychologue clinicien. Co-auteur de « Quels toits pour soigner les personnes souffrant de troubles psychotiques ? » Editions Eres. 2012. Co-auteur de "L'enfant et ses complexes" Editions Mardaga. 2021. marcferrero@wanadoo.fr

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