Tetyana Ogarkova : "L'Ukraine est un bouclier qui défend l'Europe"

Maîtresse de conférences à l'Académie Mohyla à Kiev et journaliste, Tetyana Ogarkova était présente le 7 mars lors de la journée consacrée au conflit en Ukraine organisée par la Ville et l'Université de Clermont.
Êtes-vous inquiète depuis le désengagement des États-Unis dans leur aide militaire à l'Ukraine ?
Beaucoup de choses nous préoccupent puisque l'aide américaine d'un milliard d'euros a été stoppée nette. Comme les renseignements pour l'armée ukrainienne ce qui rend difficile l'anticipation des frappes russes et les alertes à la population ukrainienne avant les bombardements. Cela permet aux civils proches de la ligne de front de se cacher en cas d'alerte. Les risques de faire plus de victimes sont donc plus élevés.
Qu'est-ce que vous attendez des Français ?
On a été réconfortés par le discours d'Emmanuel Macron car il reconnaissait que la Russie représentait un danger pour l'Ukraine mais aussi pour l'Europe. Comme les États-Unis retirent ce parapluie de sécurité qui était là depuis des décennies en Europe, il est urgent d'agir ensemble et de penser à des actions pour renforcer la défense ukrainienne. L'Ukraine est un bouclier qui défend l'Europe en quelque sorte. Nous avons besoin de l'Europe et de la France et l'Europe a besoin de l'Ukraine. Notre armée c'est 800 000 hommes et femmes. Elle a l'expérience de la guerre en général mais de la guerre moderne, car elle change rapidement. Ils savent manier des drones et faire face à ces ennemis-là. Nous attendons un soutien qui pourra au minimum remplacer tout ce que nous avons perdu avec la trahison américaine et ensuite renforcer nos positions ensemble pour devenir unis et acteurs dans ce tremblement de terre géopolitique qui est en train de se faire sous nos yeux.
Et des Clermontois ?
Clermont n'est pas la capitale de la France mais il n'y a pas de petit pas dans une guerre, pas de petite solidarité. L'action de chacun, dans des villages détruits de la ligne de front, comme donner des cours à des enfants ou proposer des activités extrascolaires pour que le territoire ne se dépeuple pas, c'est important. La culture en temps de guerre est très importante, les soldats demandent des livres, de stratégie ou de détente. Comme les civils. La culture n'est pas facultative. C'est notre identité. La Russie fait la guerre pour effacer l'identité ukrainienne, détruire les Ukrainiens physiquement mais aussi un pays ouvert et démocratique. Les Clermontois qui ont lié un partenariat avec la ville de Krementchouk, ceux qui accueillent des étudiants, des chercheurs ukrainiens, qui collectent des fonds ou qui soutiennent le gouvernement français de faire le choix de ne pas éviter la guerre, ce sont déjà des actions utiles. On ne peut plus faire l'autruche.
Des actions qu'il faut multiplier ?
Oui et être conscient de la réalité. Cette guerre commencée par la Russie n'est pas seulement contre l'Ukraine. C'est une guerre contre la réalité. Ce pays de 145 millions d'habitants, est le plus grand pays en termes de surface seulement mais très affaibli par cet effort de guerre qui dure depuis trois ans. L'économie peut s'écrouler. C'est un pays qui s'imagine grand, qui vit dans le fantasme de la puissance mondiale mais c'est faux. C'est une erreur de la Russie de vouloir revenir dans le passé, de vouloir revenir à l'Empire avec ce réflexe revanchard, un Empire qui n'existe plus et n'existera pas. La réalité aujourd'hui c'est la force. Celle des citoyens qui se trouvent à Clermont-Ferrand, à Kiev, sous les bombes russes, c'est pareil.
Cette journée organisée à Clermont-Ferrand, qu'est-ce qu'elle représente pour vous ?
Je suis très touchée par cette invitation et de voir qu'ici les gens ne sont pas indifférents au sort de l'Ukraine. Qui font des efforts avec l'exposition de photos du Jardin Lecoq, avec des tables rondes, l'invitation d'universitaires et de journalistes, d'étudiants ukrainiens... Tout compte, c'est une solidarité commune. Cela remonte le moral des Ukrainiens. Dans une guerre, il n'y a rien de plus important que le moral des gens.
Tetyana Ogarkova est aussi responsable du département international à l'ONG Ukraine Crisis Media.
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