Jean-Michel Frixon : « Le fil rouge, c'est le respect des gens quelle que soit la hiérarchie »
Après ses deux premiers ouvrages, « Matricule F276710 » et « L'ouvrier qui murmurait à l'oreille des cadres », l'ancien ouvrier Michelin termine sa trilogie avec « Parti de si loin », un témoignage un peu plus personnel et rempli de résilience.
Depuis que nous l'avions quitté en avril 2023, Jean-Michel Frixon, qui avait été contacté par Michelin après son premier opus et sollicité pour intervenir en interne sur le management, a connu des dizaines d'aventures.
Ce troisième livre est « une suite des premiers livres, que des rebonds... » explique l'auteur. Son 1er livre a fait réagir tant et si bien que dans son 2e, il racontait comment Jean-Christophe Guérin, membre du comité exécutif et directeur industriel monde, la contacté et embarqué dans un grand tour de France des usines, de la Combaude à Cholet en passant par Vannes le Puy ou Roanne. Aux ouvriers et aux cadres, il leur parle alors de son vécu, de sa vision du management. « J'ai raconté mon histoire et l'angoisse du licenciement. J'ai parlé des mauvais managers mais aussi des bons » expliquait-il à l'époque.
Suite à ces expériences saluées par la direction du groupe, il a été invité à présenter des conférences dans les plus hautes sphères de France. « Jamais nous aurions pensé avoir autant d'invitations. C'est incroyable. une invitation à une conférence génère une autre invitation. Jusqu'au mois d'avril nous avons des conférences. Le fil rouge, c'est le respect des gens envers vous quels que soient les postes et la hiérarchie. »
Il pénètre alors dans des milieux intouchables pour lui jusqu'alors. « La première invitation a été réalisée en mai 2023 à l'École des Mines de Paris ! Puis, des personnes présentes, nous ont invités au sein même de leur établissement tels que : l'École Centrale de Paris, le Corps des Mines de Paris, l'INSA Lyon Villeurbanne, ou l'École Dauphine. Mais aussi des entreprises comme la Société Générale, Michelin, Enedis... »
En décembre dernier, ils étaient invités au prestigieux Collège des Bernardins à Paris, suite à l'invitation d'Aurélien Pradier député du Lot qui les suivait sur LinkedIn.
Ce député sera à leurs côtés en présence de la secrétaire nationale de la CFDT et du député François Ruffin. Jean-Michel Frixon échangera longuement avec le député qui le citera même lors de son intervention, touché par son histoire.
Face au MEDEF...
« Au Collège des Bernardins, on a eu 30 minutes pour parler de la dignité au travail devant 300 personnes et plusieurs députés. Je n'en reviens pas, je vis tous ces instants improbables à fond ! Moi qui n'aie aucun diplôme. Au Corps des Mines, et sur d'autres lieux, c'était la première fois qu'un ouvrier était invité en tant que conférencier ! J'ai fait la conférence devant la promotion 2024 et même au siège du MEDEF, moi l'ouvrier. Je le prends avec beaucoup de recul et d'humour. »
Certains élèves d'INSA Lyon, spontanément, ont même dit, alors que leurs professeurs étaient dans la salle, que c'était le meilleur cours de management qu'ils avaient reçu. Du concret pour ces élèves.
Parti de si loin... Ce Clermontois pur jus laisse aussi un héritage et se confie sur une enfance très rude mais aussi sur sa passion pour le sport, son exutoire. « J'ouvre une porte à mes enfants, tout part de l'enfance explique l'auteur. Il faut partir de loin pour expliquer les blessures. Je lâche tout pour m'exprimer. »
Pendant une dédicace, une DRH, à bout, a craqué en discutant avec lui. « La pression, elle est sur les ouvriers mais aussi de plus en plus dans le milieu du management. Mon témoignage fait remonter des choses chez les gens. » À Laurent Berger aussi, l'ancien secrétaire général de la CFDT, qui donnait une conférence. « Il a aimé mon histoire et cela lui a rappelé son père qui travaillait sur les chantiers navals de Saint-Nazaire. »
Certains professionnels ou consultants l'ont sollicité pour essayer de « récupérer » cette réussite. Sans succès. « On n'en fait pas un show ou un spectacle » rappelait-il...
Non, ce qui intéresse Jean-Michel Frixon, c'est de participer, même d'une infime manière, à une meilleure considération au travail de la part des managers envers leurs employés. « Afin qu'ils soient de meilleures personnes, pas des managers toxiques. Si ce n'est que 5 % des managers qui pouvaient faire un peu plus attention aux gens, dans le respect, ce serait déjà très bien. »
« Parti de si loin et arrivé si haut », cette phrase, les lecteurs de Jean-Michel Frixon ou spectateurs attentifs de ses conférences lui ont souvent dit.
Car même après 50 conférences, ce qui reste de plus fort, ce sont les témoignages directs des personnes qui l'ont écouté ou lu.
« Je reçois des lettres de toute la France via ma maison d'édition. Des lettres manuscrites qui arrachent des larmes car mon histoire a un écho pour les gens. Car ouvrier chez Michelin ou ailleurs, la dureté du travail, les trois-huit, cela parle. Quand on me dit que c'est bien écrit ou que l'on va offrir le livre pour noël, il n'y a pas plus beau cadeau pour moi. »
14,50 euros, aux éditions Nombre7.
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