Au cœur de l’habitat participatif
[caption id="attachment_223635" align="aligncenter" width="800"] Cet immeuble de 13 logements sera livré fin 2018. Sur cette photo, les habitants échangent avec le maître d’ouvrage et le maître d’oeuvre © E. Thérond[/caption] C’est une résidence atypique que l’Ophis du Puy-de-Dôme construit dans le quartier des Normaliennes à Clermont-Ferrand. Pour l’Ophis du Puy-de-Dôme, le quartier des Normaliennes est une sorte de laboratoire, où sortent de terre des résidences atypiques, notamment d’un point de vue architectural. En 2013, le cabinet Séraji (Paris) a reçu plusieurs prix pour la résidence « Victor-Duruy », qui se distingue par ses parements en briques noires et ses lignes originales. Beaucoup moins sobre, la résidence « Irène-Popart » du bordelais Bernard Bülher dénote dans le paysage urbain par sa déclinaison de verts éclatants. Mais au-delà de l’architecture, l’Ophis du Puy-de-Dôme (avec sa filiale d’accession Clerdôme) expérimente aux Normaliennes sa première résidence d’habitat participatif. Conçue par l’architecte Gil Odoul, elle se distingue moins par son dimensionnement (13 logements) que par son fonctionnement, puisque les habitants sont impliqués dans les différentes étapes du projet, depuis sa conception jusqu’à la gestion quotidienne des futurs espaces. Au final, le projet aura mis 7 longues années à aboutir. En 2011, il devait prendre la forme d’une coopérative d’habitants - comme cela se fait en Suisse – en s’appuyant sur l’association Habicoop. Le principe est celui de la propriété collective : concrètement, les habitants investissent quelque 20 % du coût total du projet en fonds propres ; et la coopérative d’habitants emprunte le reste auprès des banques pour construire. Elle devient dès lors maître d’ouvrage de l’opération. [caption id="attachment_223636" align="aligncenter" width="800"] Située à proximité, la résidence Irène-Popart de l’architecte bordelais Bernard Bülher se démarque par ses couleurs originales © E. Thérond[/caption]
La coopérative d’habitants abandonnée
Mais cette belle idée n’a pas fonctionné comme prévu… « Parmi le groupe d’habitants que nous avions pu attirer, une partie n’avait pas la capacité à investir 20 % en fonds propres et l’autre partie voulait se constituer un patrimoine transmissible. Le modèle de la coopérative ne marchait donc pas. Il aurait en plus conduit à exclure une partie des personnes intéressées, alors que nous voulions faire de la mixité sociale et permettre à tous de profiter de ce modèle » souligne Hervé Angelot, directeur des politiques sociales de l’Ophis, qui a suivi la réalisation du projet dès son origine. Que faire alors ? De l’autopromotion ? Trop complexe… On ne s’improvise pas promoteur du jour au lendemain. Un autre modèle (majoritaire aujourd’hui) a donc été choisi en 2013. Désormais, le projet est porté directement par le bailleur social. En tant que maître d’ouvrage, il participe à la construction, mobilise des financements*, apporte des garanties et maintient un certain niveau de mixité sociale. Le risque est donc plus limité pour les futurs habitants… Pour que la philosophie du projet demeure, la part de biens en accession reste toutefois plus importante que la part locative. La résidence va donc se gérer comme une copropriété privée, où chacun possèdera son propre appartement. Le côté « participatif » passera par la création d’espaces partagés entre les occupants, comme une salle de vie multi-usages, une chambre d’amis avec sa salle d’eau, une buanderie et une grande terrasse panoramique.Des pièces communes
« Ces parties sont la propriété de tous. Elles sont indivisibles. Le principe, c’est que les résidents entretiennent leur habitat. Ils peuvent donc s’investir à 100 %, ce qui n’est pas possible dans un bâtiment locatif classique. Là, les habitants peuvent s’autogérer » poursuit Hervé Angelot. Bien évidemment, les locataires devront payer des charges pour profiter des espaces communs. La facture mensuelle sera de 8 €. Les locataires vont également intégrer l’association « L’Enorme Alien » (jeu de mot !) créée en avril dernier par les propriétaires pour gérer l’utilisation des espaces communs, favoriser la convivialité ou promouvoir la démarche de l’habitat participatif. Une charte et un règlement devraient voir le jour. Au vu de toutes ces évolutions, le projet ne ressemble plus à ce qu’il était en 2011. Et il ne reste quasiment personne du groupe de départ. « Les projets sont très longs à murir. Ils peuvent mettre 10 ans. Nous comprenons que les personnes qui avaient pour objectif de se loger rapidement aient pris d’autres directions. De plus, le bâtiment lui-même a été totalement redessiné. Il ne ressemble plus du tout à la première esquisse du concours. Il a évolué en fonction des demandes de chacun » explique Gil Odoul. Mais cette fois, ça y’est, on touche le bon bout : démarrés en septembre 2016, les travaux des Normaliennes seront terminés à la fin de l’année… Avis aux personnes intéressées : cinq logements sont encore disponibles à la location et un à la vente. *Le coût de revient total est de 1,85 M€[caption id="attachment_223637" align="aligncenter" width="791"] « Le bâtiment lui-même a été totalement redessiné. Il ne ressemble plus du tout à la première esquisse du concours. Il a évolué en fonction des demandes de chacun » Gil Odoul, architecte. © E. Thérond[/caption]
« Nous ne nous sommes pas choisis »
Samuel Lucier fait partie des futurs habitants de la résidence. Il est entré dans le projet en 2016. Pourriez-vous vous présenter ? Je suis ingénieur « mise en service » dans les centrales électriques. Mais plus pour très longtemps, car cela implique beaucoup de déplacements… J’ai un peu voyagé entre 2010 et 2016. A cette occasion, je me suis intéressé à l’habitat participatif, notamment au Japon. J’ai vu tout ce que cela pouvait apporter comme intérêt, mais aussi toutes les difficultés engendrées, comme le temps de mise en place. C’est très long et il faut être tenace. Ce projet avec l’Ophis est donc une chance pour moi… Quels sont les avantages ? Des personnes intéressées par ce type de projet l’ont un peu critiqué, en disant que tout était préparé, que nous n’avions plus de choix à faire… Mais ce n’est pas vrai : il y a vraiment des avantages. Déjà, le projet va arriver à terme. Et grâce au bailleur social, il est bien ficelé : nous n’avons plus à nous poser de questions par rapport aux démarches, aux formes juridiques…Finalement, nous allons profiter de la partie sympa, à savoir créer du lien social dans notre habitat participatif ou avoir ces espaces communs pour créer des activités. Connaissez-vous vos voisins ? Bien sûr. Sauf les derniers car je reviens de mission… L’autre force de ce projet, c’est que j’ai découvert mais cohabitants. En clair, nous ne nous sommes pas choisis, contrairement à d’autres projets similaires. Là, c’est hyper varié : il y a des familles, des retraités, des célibataires, une personne en fauteuil… Je trouve assez magique de nous retrouver pour développer le projet sans nous prendre la tête. Je suis très content. Pourquoi le choix de l’habitat participatif ? C’est tout bête : c’est une copropriété classique mais avec des espaces communs que nous ferons vivre à plusieurs. Les personnes qui viennent ici ont envie d’avoir plus de liens, plus d’échanges que dans un bâtiment où on ne connaît pas ses voisins. Nous pensons à plein de choses pour le faire vivre…[caption id="attachment_223638" align="aligncenter" width="800"] Pour cet ingénieur, le projet est « bien ficelé » © E. Thérond[/caption]
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