Patrice Besqueut : « Charade fut construit en un peu plus d’une année »

[caption id="attachment_224110" align="aligncenter" width="800"] La première course sur le circuit de Charade en 1958 (© Patrice Besqueut)[/caption] Patrice Besqueut est intarissable sur l’histoire du circuit de Charade, à qui il a consacré des ouvrages. Vice-président de l’Automobile club d’Auvergne, il revient sur les évènements qui ont forgé la légende du site. Info – Charade est né par hasard, pouvez-vous nous raconter cette histoire ? Patrice Besqueut - A l’origine, le circuit devait être réalisé à Clermont-Ferrand, dans la zone du Brézet, sur une longueur de 6,124 km. Il empruntait la Nationale 89, la rue Saint-Jean, l’avenue Jean-Mermoz, etc. La première course aurait dû avoir lieu le 10 juillet 1955. Tout était prêt, les tribunes posées, les billets imprimés. Hélas, la catastrophe des 24 H du Mans, en juin 1955, remit tout en cause avec l’interdiction des courses en ville. Ce fut un gros coup dur pour l’ASACA*. La décision fut prise en 1956 de construire un circuit ailleurs. « Toto » Roche, le grand manitou de la Fédération à l’époque, émit l’idée d’un circuit de montagne. C’est Louis Rosier qui découvrit le site de Charade. Il en parla à Jean Auchatraire. Mais le premier ne vit jamais sa construction puisqu’il décéda en octobre 1956 des suites de son terrible accident de course à Montlhéry. I  - La construction du circuit a été réalisée rapidement, n’est-ce-pas ? B. - Charade fut construit en un peu plus d’une année, de mai 1957 à juillet 1958. Ce fut un vrai tour de force. On l’oublie un peu mais les travaux ont coûté 108 millions de Francs. Le Conseil général du Puy-de-Dôme a apporté la moitié de la somme, la ville de Clermont, 14,5 Millions, Royat, 7,5 M, Chamalières, 3,125 M, Ceyrat et Saint-Genès Champanelle, 1 M chacune. 25 % de la somme provenait de la société du circuit, composée de l’Automobile club d’Auvergne, de l’ASACA et de personnes privées comme Jean Auchatraire, Pierre Pingeot, le président de l’ACA, Paul Duplaix, des pilotes et bien d’autres.   [caption id="attachment_224111" align="aligncenter" width="800"] « Charade, le plus beau circuit du monde – 1958-2002 » a été écrit par Patrice Besqueut aux Editions du Palmier.[/caption] I - On a dû mal à imaginer aujourd’hui ce que pouvait représenter Charade dans les années 60 et 70, un circuit à l’aura planétaire… B. – Ce qui est caractéristique, c’est que la première course organisée en juillet 1958 avait rassemblé 80.000 spectateurs. C’est une époque où il n’y avait pas de télévision, ou quasiment pas. Les gens étaient friands de spectacle. Durant l’année 1959, Stirling Moss est venu ici et a prononcé cette fameuse phrase : « Charade, le plus beau circuit du monde ». Il était alors une vraie icône. J’ai découvert très récemment que Moss était en fait déjà venu en 1958, quelques jours avant l’inauguration même du circuit. Il avait repéré l’endroit avec sa Mercedes personnelle et avait déclaré au journal l’Equipe que Charade était un circuit tout à fait exceptionnel et extraordinaire. Outre le Tour Auto, deux autres événements ont été organisés en 1959. D’une part, le 1^er Grand prix moto avec John Surtees, qui sera le premier champion du monde à être couronné en moto et en auto. Notons l’arrivée aussi des side-cars, lesquels ont beaucoup apporté à l’histoire de ce site. D’autre part, il s’est passé quelque chose cette année-là que les gens ont complètement oublié, c’est l’arrivée d’une étape du Tour de France cycliste sur le circuit. Un peu plus tard, en 1962 et 1963, ce fut au tour des manches du championnat du monde de sport prototypes avec les Ferrari et leurs pilotes. Durant ces années, nous assistons aussi aux premières retransmissions télévisées. En 1964, Charade monte encore en puissance avec la saison des Grands prix de France de Formule 2. Cette compétition regroupait en fait tous les principaux pilotes de Formule 1. En 1965, c’est la consécration avec le premier Grand prix de F1. Il est retransmis à la télé et le premier Ministre Georges Pompidou est présent. Il y a aussi le tournage du film « Grand prix », qui a énormément fait pour la reconnaissance de Charade. La Metro Goldwyn Mayer a choisi le site. Le public et de très nombreux gamins, dont j’étais, faisaient la foule et les figurants. En 1969, on a organisé le 2^ème Grand prix de F1 par raccroc. C’était une époque où les circuits tournés à tour de rôle et l’on a récupéré le Grand prix en catastrophe. Il y eut ensuite 1970 et 1972, l’année où sont venues pour la dernière fois les Formule 1. Chris Amon signa d’ailleurs le record du tour, désormais passé à la postérité. Bien sûr, je n’oublie pas tous les Grand prix motos organisés à Charade. Il y en a eu dix au total. Le dernier date de 1974 avec Giacomo Agostini et Phil Read. [caption id="attachment_224112" align="aligncenter" width="800"] Patrice Besqueut, la mémoire vivante de Charade.[/caption] En 1989, quand on est passé du circuit de 8 km à celui de 4 km, j’ai organisé le Grand prix rétro. Tous les anciens pilotes sont venus, même Fangio, qui n’a jamais couru à Charade mais qui souhaitait être là pour rendre hommage à son ami Louis Rosier. Le seul qui n’a pas pu venir à l’époque, c’était Jackie Stewart, car il avait déjà un engagement. En vrai gentleman, il nous avait laissé plusieurs messages en s’excusant de ne pouvoir être présent. Le jour même de la manifestation, il nous a fait parvenir en plus un fax. Il sera là les 22 et 23 septembre. La boucle est bouclée. * ASACA : Association sportive de l’automobile club d’Auvergne