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Julien Bouchet « La laïcité est à la fois beaucoup de droit, un peu de politique, et bien sûr de l’histoire »

15h07 - 16 décembre 2018 - par Info Clermont Métropole
Julien Bouchet « La laïcité est à la fois beaucoup de droit, un peu de politique, et bien sûr de l’histoire »
Il rappelle que les espaces ouverts au public ne doivent pas faire montre d’une préférence religieuse © E. Thérond - © CONF_BOUCHET

[caption id="attachment_225518" align="aligncenter" width="759"] Il rappelle que les espaces ouverts au public ne doivent pas faire montre d’une préférence religieuse © E. Thérond[/caption] Docteur en histoire et chercheur associé au Centre d’Histoire « Espaces & Culture », il vient de publier « Les ennemis de la laïcité » chez Lemme Edit*. L’occasion de revenir sur ce principe complexe, au cœur de tous les débats. Pourriez-vous rappeler ce qu’est la laïcité ? La définition de la laïcité est souvent envisagée comme quelque chose de compliqué voire même d’insurmontable à définir. On peut néanmoins dire qu’elle est un ensemble de règles juridiques et de pratiques sociales qui permettent l’existence du pluralisme religieux (la diversité en matière confessionnelle et philosophique), la liberté de conscience (le choix de croire ou pas) et de culte (la possibilité de vivre sa foi) pour tous les Français. Si l’on souhaite creuser un peu la question, la laïcité est à la fois beaucoup de droit, un peu de politique, et bien sûr de l’histoire, ce que j’essaie de rappeler dans cet ouvrage [« Les ennemis de la laïcité, NDLR] qui couvre les années 1789-2018. Anti-religieuse pour certains, respectueuse des croyances pour d’autres… Où faut-il placer le curseur de la laïcité vis-à-vis du religieux ? En fait, le curseur n’a pas à être placé par l’État car la neutralité imposée par la laïcité le rend en quelque sorte « indifférent » en matière religieuse. L’article 2 de la loi de Séparation de 1905 précise du reste que la République « ne reconnaît » plus aucun culte. Certes, cette position de principe ne résiste pas à l’expérience du réel. La République par le passé a pu être foncièrement anticléricale, au début du XXe siècle notamment ; elle est aujourd’hui beaucoup plus accommodante, et c’est tant mieux… jusqu’au moment où elle est menacée par de nouveaux prosélytismes radicaux et des forces anti-républicaines. Qui sont ses ennemis actuels, dont vous parlez de votre ouvrage ? L’une des thèses de ce livre est le constat de la persistance de l’inimitié en matière de laïcité. Plusieurs forces persistent effectivement à la combattre. La première est constituée de ceux qui contestent l’héritage libéral de la Révolution française, et la démocratie qui en fut le produit plusieurs décennies plus tard, après maintes péripéties. La seconde force est formée d’un certain nombre de militants de la foi qui persistent à penser que le religieux prime sur la politique, deux sphères de la vie collective qui n’auraient du reste pas dû être, selon eux, séparées. Mais il y a d’autres ennemis : les communautaristes, les relativistes de tout poil, certains européistes. La laïcité vous semble-t-elle menacée en France ? Si oui, que faire pour la protéger davantage ? La laïcité telle qu’elle a été construite juridiquement et historiquement depuis la Révolution et surtout les années 1880-1900 peut être effectivement considérée comme menacée. Certes il y a encore des garde-fous (la Constitution, les « amis de la laïcité »). La principale menace ne vient sur ce point pas des ennemis cités précédemment mais bien d’une crise de notre citoyenneté qui affaiblit la fraternité. Cette crise est renforcée par un nouveau rapport au temps caractérisé par la prépondérance du présent pour penser le passé (la mémoire domine l’histoire) et envisager le futur (le court-termisme est destructeur du lien social et politique). On ne va pas y échapper à Noël : faut-il s’offusquer de la présence d’une crèche dans un bâtiment public ? La question des crèches est effectivement un sujet. On est dans la tension entre une pratique culturelle et une coutume cultuelle associée à la première religion de France. Les règles sont pourtant claires : les espaces ouverts au public ne doivent pas faire montre d’une préférence religieuse, surtout lorsque celle-ci sert des intérêts particuliers et/ou des querelles identitaires qui visent à exclure des concitoyens. Comment expliquer toutes ces crispations et polémiques autour de la laïcité ? La densité des conflits s’explique par le fait que ce principe est au carrefour de notre démocratie républicaine. Les polémiques sont souvent fonction d’une connaissance lacunaire des contours de la laïcité. Après la publication de « Laïcité chérie », ce livre, qui annonce une nouvelle publication de synthèse en début d’année 2019, constitue une nouvelle tentative de recoller les morceaux de ce puzzle si précieux pour notre devenir. *17,90 € TTC, collection « Illustoria »

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