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Olivier Bianchi « L’écologie sera un des enjeux majeurs des prochaines élections »

00h00 - 21 janvier 2019 - par Info Clermont Métropole
Olivier Bianchi « L’écologie sera un des enjeux majeurs des prochaines élections »
Le maire estime que son programme de campagne a été réalisé à plus de 90 % (c) Ville de Clermont-Ferrand

[caption id="attachment_225862" align="aligncenter" width="640"] Le maire estime que son programme de campagne a été réalisé à plus de 90 % (c) Ville de Clermont-Ferrand[/caption] Gilets jaunes, indemnités des élus, élections municipales… Le maire de Clermont-Ferrand et président de Clermont Auvergne Métropole évoque son actualité et celle du territoire. Que souhaitez-vous aux Clermontois(es) pour 2019 ? La société va extrêmement mal. Nous arrivons à une exacerbation produite par une vingtaine d’années de fractures. Les oppositions, les divisions et les haines augmentent et s’hystérisent. En 2019, je souhaite que nous retrouvions de la sérénité, de l’intelligence, de la capacité à vivre ensemble, à se parler, à retrouver une forme de relation apaisée. Le contrat social n’ira mieux que dans un monde bienveillant. Et certainement pas dans un monde d’agression et d’agressivité permanentes. Je souhaite aussi à tous de retrouver un peu de bonheur. Il faut que chacun se sente respecté et épanoui dans sa démarche collective et personnelle. Sur votre vidéo de vœux, on aperçoit, négligemment posé sur votre bureau, le livre de l’essayiste Raphaël Glucksmann… Je l’ai écouté quand son livre est sorti. Certaines de ses intuitions me plaisaient beaucoup. Je l’ai rencontré, nous avons déjeuné ensemble. Cet échange était assez stimulant intellectuellement. Je partage une grande partie de son analyse et de ses vues. Je suis heureux d’assister au retour d’intellectuels qui souhaitent investir l’espace public. Au moment des vœux, je lisais ce livre : c’était donc mon actualité de lecture. Mais c’était aussi un clin d’œil pour inviter les Clermontois(es) à découvrir cette pensée. Selon moi, « Place Publique » doit jouer un rôle important dans le renouveau des idées de la gauche française. Souhaitez-vous rester au PS ? Je rappelle que je suis devenu secrétaire national à la culture et que j’appartiens à la direction du parti. Bien sûr, j’ai des interrogations : ce serait complètement faux de dire que le PS imprime dans la société, qu’il est écouté avec l’attention qu’il mérite. Mais aujourd’hui, ce qu’est ma famille, c’est-à-dire la social-démocratie, un réformisme humaniste, je ne le trouve ni dans les autres mouvements de la gauche ni dans des autres mouvements comme « En Marche. » Et je ne me reconnais pas dans les mouvements qui se radicalisent, qui expliquent que la solution est soit dans la stigmatisation, soit dans une mono-explication qui va permettre de tout résoudre par magie. Notre difficulté, au PS, c’est que nous pensons la complexité. Nous expliquons que les choses sont dans l’entre-deux, qu’il y a des nuances à avoir. Or, nous ne sommes pas dans un temps de nuances. Notre parole est donc plus difficile à porter. De toute façon, la gauche sera gagnante quand elle sera rassemblée. Je ne crois pas à la gauche confettis… Où les Gilets jaunes puisent-ils leurs racines ? Ce mouvement est la conséquence de 20 ou 30 années de politiques publiques. L’arrogance présidentielle, si elle n’est pas responsable de tout, est venue comme une goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Mais surtout, en ayant joué avec le pire, en disant qu’il n’y a plus de gauche, plus de droite, qu’il n’y a plus de syndicats, d’élus locaux, en ne respectant pas les corps intermédiaires, il se trouva fort dépourvu, comme dit l’expression. D’ailleurs, aujourd’hui, les élus locaux sont appelés à venir à la rescousse, car ils sont encore un peu écoutés. Que pensez-vous de leurs revendications ? Je crois que les Gilets jaunes posent des revendications justes. Quand ils disent craindre l’aggravation des inégalités territoriales, sociales, financières, économiques ou culturelles, ils ont raison. Quand ils demandent des services locaux forts pour les protéger, ils ont raison. Quand ils exigent que l’ISF soit rétabli, ils ont raison. Mais certains d’entre eux – assez peu sur Clermont, et je les remercie – ont des modes d’action qui ne sont pas démocratiques et acceptables. Et certains mots d’ordre ne sont pas entendables, comme l’homophobie, l’antisémitisme, le racisme, l’antifiscalisme primaire. Ce ne sont pas mes valeurs. Le Référendum d’Initiative Citoyenne, bonne ou mauvaise idée ? Je dis « attention. » Certes, l’idée peut paraître séduisante. Mais le RIC peut aussi produire l’inhibition des femmes et des hommes politiques, la stérilisation des décisions, puisque nous prendrons le risque d’être révoqués dès qu’il y aura quelque chose de clivant, qui fera débat, qui nécessitera un choix à opérer. La conséquence de ce phénomène ? Plus aucune décision ne sera prise. On entend parfois dire que les élus coûtent trop chers, qu’ils ne sont pas utiles, qu’il y en a trop. Admettons. Mais quels sont les effets induits ? D’autres prendront les décisions. Moins d’élus, c’est plus d’administration, plus de technostructure. C’est ce que nous vivons en Europe. Il faut donc débattre de ce sujet sérieusement. Vous gagnez un total de 8.000 € par mois comme maire et président de la métropole. Que dîtes-vous à ceux qui pensent que c’est trop ? Je l’assumerai toujours. J’ai un emploi de cadre supérieur, peut-être même de dirigeant d’entreprise. J’ai sous ma responsabilité plus de 3.500 salariés. Je travaille samedi et dimanche compris, souvent fort tard le soir. Je crois que cette rémunération est assez juste. 8.000 €, c’est brut. Je reverse d’ailleurs 1.500 € par mois à mon parti. Au final, j’ai 5.800 € nets, ce qui est tout à fait convenable. Je peux comprendre que cela puisse paraître invraisemblable à certains. J’appelle quand même à plusieurs remarques : la première, c’est que les indemnités d’élus ont été inventées pour que les pauvres ou ceux qui ne sont pas des héritiers puissent faire de la politique. Sans indemnités convenables, seuls les riches feraient de la politique comme passe-temps. Deuxième point : un adjoint au maire, c’est quasiment un métier à temps plein pour 1.200 € nets. Certes, des abus ou des salaires mirobolants pour des fonctions parfois ahurissantes peuvent jeter l’anathème. Mais les élus locaux ne sont pas dans ces mêmes rapports. L’opposition reproche à Clermont sont manque de dynamisme économique et sa démographie en berne. Qu’avez-vous à lui répondre ? Il est aberrant de parler d’absence de développement économique. Les entreprises arrivent. Michelin porte de grands projets comme le Hall 32, la rénovation du siège des Carmes, le centre de recherche « monde » de Ladoux. Si Michelin ne croyait pas en ce territoire, il n’opérerait pas cette mutation. Il y a un développement économique et les chiffres – qui avoisinent ceux des autres métropoles de la région - le démontrent. Démographiquement, nous gagnons des habitants. Pas encore assez, mais nous en gagnons. Et plus les années passent, plus ce phénomène s’accroit. Un exemple : il y a 250 élèves de plus chaque année. Et nous faisons une étude pour savoir si nous ne devons pas construire d’autres écoles. Là où l’opposition choisit un sujet pour dire que tout va mal, c’est que trop de personnes quittent l’Auvergne après leurs études pour trouver de l’emploi et que nous avons 100.000 emplois à Clermont-Ferrand pour 140.000 habitants, car beaucoup choisissent de s’installer plutôt en première ou deuxième couronne autour de la ville. [caption id="attachment_225863" align="aligncenter" width="640"] Fidèle au PS, il estime que Place Publique de Raphaël Glucksmann doit jouer un rôle important dans le renouveau de la gauche française © Ville de Clermont-Ferrand[/caption] Plus qu’un an avant la fin du mandat. Que reste-il à accomplir ? Et quels engagements ne pourrez-vous pas tenir ? Si on reprend le programme de 2014, il est tenu à plus de 90 %. La charte du handicap va arriver. C’est un de mes derniers engagements. Certes, un certain nombre d’investissements ne seront inaugurés que quelques mois après le mandat. Est-ce que cela veut dire que nous n’avons pas respecté nos engagements ? Je ne crois pas. Pour être franc, le vrai sujet, c’est Delille, puisque nous allons lancer les études, et les Salins. Ces deux places ne seront pas faites en 2020. Mais nous rénovons les Carmes, qui n’était pas prévue, et nous avons lancé un grand schéma cyclable, qui ne devait pas avoir une telle dimension. Une autre promesse n’a pas été tenue : l’offre de location de voitures en libre-service. Sur quels sujets vont se jouer les prochaines municipales ? La fiscalité ? La sécurité ? A un an, c’est un peu compliqué de le savoir. En tout cas, je vais me battre pour que nous continuions à nous développer, à encourager les entreprises, à créer de la richesse, mais aussi à la partager. Nous ne devons pas oublier ceux qui sont au bord de la route. Il faut les soutenir. Je dis souvent que mes oppositions sont caricaturales, car d’un côté, il y a la droite qui dit tout le temps, « développement, développement, développement… » et de l’autre une opposition de gauche qui dit « pensons aux plus fragiles, pensons aux plus fragiles… » J’estime personnellement être bien posé sur mes deux jambes. Je pense aussi que l’écologie sera un des enjeux majeurs des prochaines élections. Je veux qu’on s’engage fortement là-dessus, avec un souci de ne pas l’opposer au social. Il y a une urgence. Nous sommes dans un moment tragique pour la planète. La question de l’eau, de l’énergie, des déchets, des maladies chroniques… Ce sont des questions fondamentales. Dans quelques années, on nous demandera ce que nous avons fait. C’est un sujet qui fait consensus. Cela ne va pas vous distinguer des autres candidats… Allez savoir. Il y aura des mesures drastiques à prendre, des investissements à faire, peut-être des limitations de tel ou tel comportement à avoir… L’autre sujet des municipales sera certainement la fiscalité. J’ai toujours dit qu’il fallait être raisonnable sur cette question en la maîtrisant. En même temps, nous avons besoin de nous développer. Ceux qui prônent le moins d’impôts doivent dire qu’ils prônent moins de services publics. Et je n’y suis pas favorable. Plusieurs grands projets sortent de terre, comme la Comédie, Philippe-Marcombes, l’Hôtel-Dieu… Est-il vrai que le bâtiment du Totem, fer de lance du futur quartier de l’innovation, est au point mort ? Il n’est pas au point mort. Nous sommes encore en discussion. Simplement, nous ne sommes pas tombés d’accord sur l’achat du foncier avec le propriétaire, car je suis tenu au prix des domaines. J’observe qu’entre le moment où nous avons lancé ce projet et aujourd’hui, l’écosystème a beaucoup évolué. Le privé s’est mis à en faire. Je pense à la très belle proposition de La Montagne sur son propre accélérateur. Le Crédit-Agricole s’interroge aussi. Maintenant que nous avons enclenché le processus, peut-être le Totem a-t-il vocation à être plus privé que public ? On peut s’interroger. La métropole a-t-elle vocation à s’élargir ? Les mécanismes pour arriver à des monstres ingérables de 200 communes, je n’y crois pas. Je dis « non » à l’élargissement, mais « oui » à la coopération et à la contractualisation. Quel avenir pour Effervescences ? Nous allons changer de braquet. « Effervescences » avait été créé pour montrer que nous étions capables de nous organiser et qu’il y avait une appétence des habitants pour le projet de capitale européenne : la réussite est sans commune mesure. Mais on ne peut pas faire tous les ans une saison nouvelle. Je souhaite moins d’événementiel, mais qu’on se concentre sur la démarche qui nous amène à déposer un dossier devant la commission en 2022. Nous travaillons à rédiger notre cahier des charges, notre projet, à lobbyser avec les territoires et les villes qui pourraient être partenaires, à fabriquer les attendus de notre projet, à répondre aux attentes de la commission. Il y aura encore des rappels, mais il ne faut pas s’attendre à revivre « Effervescences » comme la première fois à l’Hôtel-Dieu… Une nouvelle équipe artistique va être recrutée ? Une ou deux personnes viendront nous aider. Mais globalement, on fabriquera les choses en interne. Le marché Saint-Pierre vieillit. Une rénovation est-elle prévue ? C’est en train de changer. Nous avons décidé de travailler sur un « label » de cité gourmande. L’idée, c’est de montrer qu’il y a là un espace où se concentrent des talents en matière culinaire, mais aussi d’en faire un lieu convivial, comme dans beaucoup de halles en France. Plutôt que de remplir les boxes libres, nous avons décidé d’y installer des tables et des chaises, afin de réaménager complètement les lieux. Des travaux sont également prévus. Pour accompagner les commerçants, j’ai aussi décidé de baisser de 25 % leurs loyers. Les horaires d’ouverture pourraient changer. Nous devrions donc pouvoir montrer aux Clermontois.es que le marché Saint-Pierre est l’adresse qui compte pour passer un bon moment. L’inauguration est prévue au printemps. Quels sont les projets de la métropole en matière de mobilité ? Nous sommes sur des questions de coût. Un tram sur fer, pour construire une ligne de 6 ou 7 km, c’est grosso-modo 140 M€. Un bus électrique, dans les mêmes conditions, c’est 70 M€. Si nous voulons maitriser nos dépenses publiques, ne pas aggraver les taux d’imposition, il faut prendre les décisions les plus justes. Deuxièmement, ce qui est important, c’est de ne pas se déplacer dans la circulation. Peu importe qu’on soit dans un tram ou un bus. Il faut faire du site propre, du cadencement et refaire l’urbanisme de mur à mur. A partir de là, il faut faire relier les grands points, les zones économiques, les lieux d’entrées dans la ville, mettre en valeur les outils touristiques. Dans cet esprit, nous avons tracé deux grandes lignes sortant de l’intra-muros clermontois, qui verront le jour en 2026. A cela s’ajoute le schéma cyclable : nous devons faire des efforts et accélérer la cadence. Si aujourd’hui la ville n’est pas complètement vélo-compatible, elle le sera beaucoup plus dans les années qui viennent. Nous nous sommes donc engagés lourdement pour une transformation des mobilités sur le territoire. Et la ligne de tram actuelle ? Le but, c’est de la faire durer au maximum jusqu’en 2030 ou 2031. La ligne aura alors été amortie et nous pourrons la remettre en service sur un autre mode de fonctionnement. Comment définir la méthode « Bianchi » en matière de gestion municipale ? (Il réfléchit). Au sein de la ville, des équipes, de mes collègues, je suis un homme du collectif. Je pense que nous travaillons mieux ensemble. Je réunis beaucoup.  Je fais beaucoup de transversalité. J’essaie de faire en sorte que chacun puisse s’exprimer dans sa délégation. Je ne suis pas dans la démocratie de couloir, dans un rapport bilatéral où je fabriquerais les choses avec quelques privilégiés assis dans mon bureau. Non. Je suis plutôt un chef d’orchestre, l’animateur d’un collectif. En direction des populations, la démocratie participative s’est accélérée, avec beaucoup de réunions publiques, de bilans de mandats, la création du premier budget participatif… Il y a une forme d’authenticité. Nous pouvons nous parler, nous dire les choses. Je pense avoir un rapport direct à l’habitant. Du coup, je crois aussi en une sorte de facilité d’accès, d’empathie, de convivialité, de bonhommie. La méthode Bianchi ? On voit le maire, on le connaît, on le croise dans la rue. Je ne pense pas être bunkérisé dans la mairie. J’ai pu être quelquefois clivant, un peu provocateur. Aujourd’hui, je veux être plutôt un ferment d’apaisement qu’un ferment d’excitation. Donc je mesure mes prises de parole. Mon devoir est de ne pas rajouter de la crise à la crise. Aujourd’hui, je pense qu’il faut être plus sage, fédérateur et bienveillant. Et vous maniez souvent l’humour… J’ai toujours été comme ça. Je ne changerai pas. Je pense aussi que l’auto-dérision est une forme d’intelligence.

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