Les organisateurs de spectacles dans le flou
Entre reports des tournées et des dates de spectacles, annulations parfois, avec la crise sanitaire, le monde culturel est à l'arrêt ou presque depuis plus d'un an. État des lieux et projections avec les deux principaux organisateurs de spectacles indépendants de la région.
Bernard Brajoux dresse le bilan. Et il est vite fait ! Depuis mars 2020, sa société " Les Derniers Couchés ", organisatrice de spectacles sur la région Auvergne-Rhône-Alpes, n'a fait qu'une seule date. Inès Reg. C'était à la Bourse du travail à Lyon, au cours de l'automne dernier. " Et encore, nous avons dû faire deux séances avec des jauges de 900 places. Heureusement, cela tombait un dimanche. "
Un spectacle en un an, contre 150 à 180 habituellement proposés chaque année. Sans commentaires... La boîte a perdu 90 % de son chiffre d'affaires. Ses sept salariés ont été mis au chômage partiel.
" Au printemps dernier, c'était angoissant. Nous n'avions pas de visibilité. Et puis les aides sont tombées. Heureusement que nous sommes en France. Je sais maintenant qu'il n'y aura pas de sécession d'activité ", confie celui qui traîne ses guêtres depuis des décennies dans le monde de la culture.
"Deux séances pour distancier les gens"
Chez Arachnée Concerts, l'autre gros organisateur installé près du Zénith d'Auvergne, à Cournon, la situation est identique... Depuis le 10 mars 2020, deux petits spectacles seulement à se mettre sous la dent : l'humoriste Sandrine Sarroche à Lyon et le chanteur Gauvin Sers à Montluçon. C'était en septembre dernier.
" On a dû faire deux séances pour distancier les gens. Il a fallu gérer tout cela au dernier moment ", souffle comme dans un mauvais scénario Charline Pouzet, qui co-dirige la structure avec Corinne Chabrier et Charlotte Guiot.
Reports de spectacles
Alors que les filles d'Arachnée organisent entre 100 et 120 dates de spectacles annuellement, dans près de vingt salles de la Région Auvergne-Rhône-Alpes (et même jusqu'à Montpellier !), le bilan s'avère donc famélique. Là aussi, leurs trois salariées ont pu bénéficier du chômage partiel. " Elles y sont à 80 % et viennent travailler deux demi-journées par semaine ", précise Corinne Chabrier.
Car l'activité n'a pas été totalement à l'arrêt. Les deux sociétés se sont attaquées au remboursement des billets et au report des dates de spectacles. Un vrai casse-tête. " Tous les spectacles ont été reportés au moins 3 ou 4 fois ", témoigne Bernard Brajoux.
" Nous avons réussi à reporter les ¾ des dates. C'était la priorité ", indique le trio d'Arachnée, bien conscient qu'un " report n'est pas une annulation. "
Malgré ces ajournements incessants, le public est finalement resté fidèle. " Nous avons très peu de demandes de remboursement. Les gens nous soutiennent ", remercie Bernard Brajoux.
Chez Arachnée, le son de cloche diffère quelque peu. Alors qu'il n'y a pas eu de demandes de remboursement au printemps et à l'été 2020, la situation a évolué à l'automne dernier.
" Il y a eu un flou car l'on pensait refaire des dates. Le reconfinement a été dur et il a fallu reporter les spectacles en 2022. Là, nous avons connu une vague de demandes de remboursement. "
Les salles jouent le jeu
En parallèle, les organisateurs se félicitent que les salles de spectacles aient joué (et continuent de jouer) le jeu. Barnard Brajoux cite l'exemple de la Bourse du travail à Lyon (une salle municipale N.D.L.R.) qui a accepté de baisser son prix de location, de reporter les acomptes ou de les rembourser en cas d'annulation.
" Il y a une solidarité à ce niveau-là, confirme Charlotte Guiot. Nous sommes tous dans le même bateau. "
Reste maintenant à savoir quelle va être la longueur de cette traversée du désert inédite. Bien malin qui pourrait le dire. Mais il faudra apprendre à vivre avec le virus.
Une reprise encore floue
La date d'une reprise éventuelle ? " Des concerts au mois de juin, je n'y crois pas trop, estime Bernard Brajoux. Le résultat des expériences menées dans des salles à Marseille et à Paris en ce printemps nous donnera de la visibilité sur l'automne, où l'on fera peut-être de petites salles. À la reprise, il faudra se montrer très prudent ; essayer d'amortir les concerts sans perdre de l'argent. "
Chez Arachnée, on s'attend également à une reprise progressive. " Actuellement, on ne vend pas grand-chose ", constate Charline Pouzet.
En coulisses, les deux tourneurs sont en train de programmer sur 2022, où le calendrier commence à être bien chargé. Et même sur 2023 et 2024 chez Les Derniers Couchés... " Cela permet de se projeter sur l'avenir ", affirme le patron de la société implantée à Clermont.
Même s'il n'y a encore " aucune visibilité " en ce printemps 2021, les filles d'Arachnée ont elle aussi " envie d'y croire ". Elles se disent " prêtes " et ne comptent pas " baisser les bras ".
Au téléphone, toutes constatent que le public attend avec impatience de retrouver le chemin des salles.
" J'ai confiance dans notre activité, assure Charlotte Guiot. Nous avons tous envie de revivre l'émotion des spectacles. "
Certes, de nombreuses interrogations subsistent : que va-t-il se passer au cours des prochains mois ? Est-ce que le public ne va pas acheter les places au dernier moment ? Le pouvoir d'achat des spectateurs d'avant la crise sera-t-il toujours le même... ? Bien difficile de répondre à toutes ces questions. Et les organisateurs ont besoin d'avoir un minimum de visibilité dans une activité qui, par essence, nécessite une prise de risques financière.
Ne pas hésiter à acheter un billet
Mais pour Charline Pouzet, les amateurs de spectacles ne doivent pas avoir peur de réserver.
" Quand un spectacle est reporté, le spectateur a le choix : soit il conserve son billet pour la date de report, soit il se fait rembourser. Il n'y a donc pas de risques à acheter un billet ", rappelle cette dernière.
À bon entendeur...
Infos : arachnee-concerts.com / lesdernierscouches.com
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