Cannabis à usage thérapeutique en France : le feu vert donné à Clermont
Il l'a reconnu lui-même, interdire l'usage du cannabis à usage médical était « un peu anachronique », alors que depuis des décennies, des médecins français demandaient à pouvoir en bénéficier pour leurs patients.
Olivier Véran, le ministre des Solidarités et de la Santé, est venu le 26 mars à Clermont-Ferrand afin de remettre symboliquement à un patient la première ordonnance de ce type en France ; une ordonnance signée par le Professeur Nicolas Authier, chef du service de pharmacologie médicale du CHU.
Ce dernier, qui préside par ailleurs le comité scientifique pour l'usage du cannabis thérapeutique à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ANSM), militait avec de nombreux confrères, au côté d'associations de malades, pour le lancement de cette expérimentation.
« Il s'agit d'une grande première pour les patients qui souffrent depuis des années de pathologies chroniques très invalidantes et pour lesquelles la médecine a du mal à apporter un soulagement suffisant. Nous espérons qu'avec cette nouvelle thérapeutique, nous pourrons leur apporter une amélioration de leur qualité de vie », a réagi Nicolas Authier, quelques minutes après la visite du ministre.
Lancée pour une durée de deux ans, l'expérimentation va concerner quelque 3.000 patients à travers la France, dont une soixantaine en Auvergne.
Pour le praticien clermontois, ce chiffre peut paraître faible, alors que des dizaines de milliers de malades attendent un peu partout sur le territoire.
« Mais si l'expérimentation se passe bien, j'espère qu'elle pourra aboutir à une généralisation de l'accès au cannabis médical. »
Alors que les ordonnances auront une validité de 28 jours, le Professeur Authier a expliqué que le choix de la posologie du cannabis médical se faisait par titration.
« On augmente très progressivement les doses jusqu'à obtenir la dose médicale efficace bien supportée par le patient. Il faut compter pour cela deux, trois ou quatre semaines. Il peut même arriver qu'il faille changer de produits. Le cannabis médical, c'est en fait une famille de médicaments, qui ont des compositions différentes, notamment en THC et CBD*. En fonction de leur composition, on peut les utiliser à des posologies ou pour des indications différentes. »
Le premier patient qui a reçu l'ordonnance souffre depuis plusieurs années de douleurs neuropathiques. Très intéressé par cette expérimentation, il espère que cet usage médical du cannabis pourra aider à calmer ses douleurs et diminuer de lourds traitements.
Le ministre Olivier Véran a souligné enfin qu'il s'attendait à une « pression assez forte » en termes de demande au cours des prochains mois, et qu'il restait très « ouvert » sur ces questions.
Olivier Véran : "un jour important"
Quelles sont les spécificités du lancement de cette expérimentation du cannabis à usage médical en France ?
"On peut considérer qu'il s'agit d'un jour important pour la médecine en France puisque notre pays, à compter d'aujourd'hui, commence à reconnaître dans le cadre d'un protocole thérapeutique le cannabis comme étant un membre à part entière de la pharmacopée française.
Il peut donc être exploité dans certaines conditions comme un médicament pour des indications telles que les douleurs réfractaires d'origine neurologique, certains syndromes épileptiques, des douleurs cancéreuses ou encore en soins palliatifs. C'est une histoire longue que l'usage du cannabis dans notre pays, laquelle existe dans la plupart des pays européens.
Lorsque j'étais neurologue au CHU de Grenoble, il m'est arrivé d'être confronté à des patients qui s'auto-médiquaient ou qui avaient du mal à gérer les traitements très lourds qu'ils recevaient contre la douleur. Après avoir porté un amendement lorsque j'étais député, en tant que ministre de la Santé, j'ai le privilège de pouvoir décliner ce protocole.
En pratique, ce sont plus de 3.000 patients français qui pourront bénéficier dès les prochaines semaines et prochains mois de traitements qui comportent des principes actifs dérivés du cannabis.
Cela se fait sous la forme d'huile qui se boit ou sous la forme de fleurs de cannabis qui sont à inhaler à l'aide d'appareils médicaux spécifiques. En aucun cas, il s'agit de fumer quoi que ce soit. L'usage, d'abord hospitalier, va s'étendre très vite à la médecine et aux pharmacies de ville."
* THC : Tétrahydrocannabinol / CBD : Cannabidiol
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