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Olivier Bianchi : « Clermont-Ferrand est dans une période charnière »

07h00 - 22 février 2022 - par Info Clermont Métropole
Olivier Bianchi : « Clermont-Ferrand est dans une période charnière »
Le maire Olivier Bianchi, ici dans son bureau, n'a d'autre ambition que de servir sa ville et le territoire (© Guillaume Bonnaure). - © Guillaume Bonnaure

Les demandes des Clermontois, les impôts, la sécurité, la culture, ses ambitions personnelles ou la situation du PS... dans un long entretien qu'il nous a accordé, Oliver Bianchi, le maire de Clermont-Ferrand et président de la Métropole, se livre.

Vous faites des Facebook live avec les Clermontois. Quelles sont leurs doléances ?

On essaye d'inventer tous les formats possibles pour renouer du lien avec la chose publique, les décisions politiques et les citoyens. Quand les gens ne seront plus convaincus, il y aura du désappointement et des choses négatives. Avec 30 % de participation aux dernières municipales, je ne suis pas dupe, c'est quelque chose de grave. Nous essayons d'élargir les canaux, les innovations pour parler à tous. Ils sont demandeurs de plein de choses. On sent qu'il y a des chefs de lobbys, mais c'est positif quand je dis ça, qui défendent la nature en ville, le vélo, la sécurité... Ils sont intéressés à la chose publique et trouvent à travers ce canal la possibilité d'un dialogue direct.

Il n'y a pas de surprise, les gens nous questionnent sur la transformation de la ville en termes de mobilité, d'urbanité et de transition énergétique. Sur notre vision et ce que l'on propose. Il y a beaucoup de questions sur la tranquillité publique, la perte de lien civique, les tensions sociales... C'est ce qui revient le plus souvent.

Les projets de transformation sont annoncés les uns après les autres. Cela ne fait-il pas beaucoup en même temps ?

Ce qui est intéressant pour Clermont-Ferrand, c'est que l'on est dans une période charnière. Nous sommes à la fois en train de rattraper une évolution métropolitaine que d'autres ont peut-être connue il y a dix ans. C'est le cas sur le transport public : nous faisons nos deux lignes de transport public en site propre alors que certains de mes collègues font la quatrième ou la cinquième. On sent qu'il y a du retard à l'allumage, c'est aussi le résultat de l'histoire et de la taille que nous avions. Et en même temps, nous sommes frappées de demandes sociales légitimes, nouvelles, sur la nature en ville, sur les mobilités douces, le vélo... Il faut presque conduire deux mouvements en même temps. Un plus ancien de rattrapage urbain mais en le faisant dans l'esprit du temps. Sans refaire les années 80 ou 90 des autres avec les inconvénients qu'ils sont en train de corriger aujourd'hui mais de faire les deux mouvements en même temps. Cela demande beaucoup d'énergie et de la part des citoyens une vision compliquée de l'emboîtement des deux échelles.

Ce retard pris par les municipalités précédentes, c'est un avantage aujourd'hui ?

J'ai aussi appartenu à ces municipalités donc je ne veux pas faire croire qu'avant c'était terrible et depuis que je suis là, ce serait formidable. Ce serait malhonnête intellectuellement. Serge Godard a beaucoup accéléré les choses, il a métropolisé la ville, avec un travail culturel qu'i m'a autorisé à faire comme la Place de Jaude, la ligne A du tram... Et Roger Quilliot était élu à une période de désindustrialisation très forte de la ville et on risquait de vivre la crise des charbonnages du Nord. Ce n'est pas une culpabilité ou une faiblesse mais nous étions en phase avec nos enjeux à ce moment-là. On essaye de faire du retard une opportunité plutôt que de le vivre en permanence en disant « oh la la, on a du retard ». Mais par rapport à quoi et à qui ? Mais par contre, on peut sauter la période d'après et aller plus vite. Nous sommes un territoire où à trente minutes tout est à peu près faisable.

Nous avons les avantages de notre taille et nous sommes peut-être plus à la mode. Nous sommes en phase avec les attentes du temps. C'est peut-être une opportunité pour ne pas rater le coche de la demande sociale.

« Je rassure ceux qui s'inquiètent, je suis très heureux à Clermont »

Du coup cela demande beaucoup d'investissement et une hausse des impôts ?

Au moment où l'on doit accompagner toutes ces politiques publiques et que cela demande beaucoup de financement, nous ne sommes pas dans une période où il y a le plus de moyens dans les collectivités et pas seulement à Clermont. On ne peut pas faire des impôts en permanence car les gens n'en pourraient plus. Il n'y a plus de souveraineté fiscale avec les réformes du gouvernement, on doit fermement contrôler notre emprunt car on ne peut pas couler l'avenir. Donc on met plus de 100 millions d'investissement par an, 80 sur la Métropole, 25 sur la ville. Ce n'est pas mal, cela nous classe dans les Métropoles qui font le plus d'investissement. On est dans le premier tiers donc on a des moyens mais on le fait à la hauteur de ce que l'on est. Ce n'est pas une métropole riche, pas une métropole de 800 000 habitants. C'est une métropole de 300 000. Nous avançons à notre pas, mesuré certes, mais déterminé.

« Il y a le problème de la drogue, plus que celui de l'insécurité »

Cela vous vaut des critiques sur cette imposition...

Ceux qui pensent que l'on pourrait faire mieux, plus vite et plus fort ont une méconnaissance de la réalité financière de notre territoire. Quand on fait un point d'impôt supplémentaire à Clermont, (nous avons fait une fois 9 points et nous avons arrêté, depuis six ans), on ramène 850 000 euros... Quand je refais une rue avec 70 habitants, j'en ai pour 700 000 euros. On comprend bien que l'on fait avec les moyens que l'on a.

Les questions sur l'insécurité reviennent aussi ?

Ce sont plus les sujets d'incivilité que d'insécurité qui reviennent. Ce matin, sur le terrain, les gens me disaient : « ils se garent n'importe comment, ils jettent leurs poubelles par les fenêtres dans certains endroits, ils ne respectent pas l'espace public, il y a des décharges sauvages... » On est dans un grand courant de destruction du lien social, on est plus égoïste, on vit moins ensemble, on vit moins en société donc on fait moins d'efforts. Il y a cette perte de sens civique qui coûte de l'argent. Par an en moyenne, rénover ou reconstruire des biens publics qui sont détruits, des bornes, des places de parking, des aménagements urbains, c'est environ 2 millions de budget. Si tous ensemble nous étions plus civiques, on ferait des économies.

Après il y a le problème de la drogue, plus que celui de l'insécurité. Il n'y a pas 250 homicides par an à Clermont-Ferrand, il y en a un ou deux et il y a quelques agressions qui sont « intra trafiquants ». Aujourd'hui on a ces deux problèmes et la drogue est répandue dans beaucoup de grandes villes. Elle est aussi liée au malaise social. Les gens sont consommateurs donc cela détériore le comportement dans l'espace public. Le troisième sujet qui revient c'est la transition écologique. « Allez-vous nous garantir Monsieur le maire, en construisant la ville que vous construisez, qu'elle sera adaptée aux enjeux climatiques du XXIsiècle ? » Cette question est légitime.

Vous êtes très impliqué dans le monde culturel. Avez-vous des ambitions personnelles au niveau national ?

La culture m'a fait sortir du déterminisme social et je suis convaincu que le savoir et l'éducation ne sont pas réservées à une élite qu'ils sont accessibles à tous et que l'on peut tous être bouleversés par l'œuvre d'un artiste. C'était pour moi un sujet de passion de m'investir sur cette question-là donc j'ai fait dix ans de politique publique. Petit à petit j'ai été retenu nationalement pour ce travail-là. On m'a confié des responsabilités nationales. Je siège dans un grand nombre d'institutions partenariales avec l'État depuis plus de 10 ans. C'est reconnu nationalement car cela fait longtemps que je creuse ce sillon.

Le Parti socialiste m'a confié le poste de conseiller national à la culture. Ce sont des politiques publiques que j'ai envie de porter. Est-ce que cela fait de moi un ministrable ? Malheureusement, ce n'est pas comme ça que cela se passe. Je sais que tout le monde glose là-dessus et que peut-être ce sera possible mais ministre, ce sont des alchimies de rapports de force, de situations... Je suis un homme de gauche et aujourd'hui il est peu probable qu'elle arrive au pouvoir dans les mois qui viennent donc il est peu probable que j'exerce une quelconque responsabilité. Ce n'est pas très grave, mon ambition n'est pas d'être ministre mais mon envie de développement culturel public du territoire est intacte. Et la capitale européenne c'est ça. Je suis convaincu qu'elle serait un accélérateur de particules pour tout le Massif central. Si on y arrive je serai très satisfait. Avoir fait une bibliothèque, une scène nationale, rénover un conservatoire, reconstruire une école d'arts, créer mille formes, cela suffit largement à mon bonheur. Je n'ai pas l'impression d'avoir raté ma vie. Je suis très heureux, je rassure ceux qui s'inquiètent, je suis déjà allé très loin dans mes ambitions initiales.

« Je n'arrive pas à croire que la gauche soit réduite à 2 % »

Comment voyez-vous la campagne d'Anne Hidalgo ?

Anne m'a confié avec Sylvie Robert, sénatrice de Rennes, le projet culturel. Je suis déçu du peu de réception de ce qu'on dit et de ce que l'on fait. Anne Hidalgo est courageuse, elle dit des choses intelligentes mais on a du mal à imprimer car la société médiatique nationale et télévisuelle est essentiellement tournée autour du buzz. Plutôt que de dire n'importe quoi, nous préférons rendre compte de la complexité et défendre des idées, cela imprime difficilement.

Je n'arrive pas à penser que la social-démocratie, cette famille qui consiste à gouverner avec des valeurs de gauche soit réduite à 2 %. Je n'arrive pas à croire à ça. Si on a un crash industriel, on recomposera. Il y a des cycles dans la vie politique, il y a eu des cycles de droite, de gauche et aujourd'hui un cycle très réactionnaire. Cela m'inquiète beaucoup sur le climat de notre société mais je continuerai à me battre. Quand on est un militant politique, on est comme le supporter d'une équipe, on est derrière elle quels que soient les résultats.

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