Clermont-Ferrand ° C
samedi

Philippe Vigneron : « Moins 50.000 logements, c’est aussi 100.000 emplois en moins »

10h14 - 05 mars 2018 - par Info Clermont Métropole
Philippe Vigneron : « Moins 50.000 logements, c’est aussi 100.000 emplois en moins »
- © ACTU_VIGNERON_ITW

Il est le dirigeant d’Itineris Building, une société bien connue sur la Métropole clermontoise. Le promoteur immobilier n’a pas pour habitude de manier la langue de bois. On vous conseille de lire la suite…  Info – De manière générale, comment va la conjoncture pour la promotion immobilière ? Philippe Vigneron – En matière d’endettement immobilier à long terme, tout ou presque est question de confiance en l’avenir. Même si tout cela repose sur des notions parfois suggestives, force est de constater que les Français sont plus en confiance aujourd’hui qu’ils ne l’étaient il y a deux ans. Et c’est tant mieux. Il faut dire qu’après les diarrhées législatives et règlementaires Duflot du gouvernement Hollande, il n’est pas nécessaire d’être Jupitérien béat pour percevoir que le moral des français est meilleur. Les professionnels de l’immobilier dans leur ensemble et les promoteurs immobiliers en particulier l’ont bien ressenti ces derniers mois. 2016 avait marqué un début de reprise largement confirmée en 2017. Sur notre territoire, les achats de logements neufs sont en hausse de 17% d’une année sur l’autre avec un remarquable équilibre entre les achats de résidences principales et les achats d’investisseurs. De nombreux et beaux projets immobiliers sont proposés à la vente, ce qui laisse entrevoir deux à trois années prochaines rassurantes et dynamiques pour les métiers de la construction… si aucun incident exogène ne vient troubler cette belle conjoncture. I. – Les mesures gouvernementales prises en 2017 ont-elles déjà eu un impact sur le marché ? P. V. – Les débats électoraux de la campagne présidentielle furent d’une affligeante pauvreté politique. Alors qu’il est un Droit Opposable, le Logement n’a paradoxalement jamais été un sujet prioritaire. Lors de nos premiers échanges avec le Ministre Mézard en juillet 2017, la position gouvernementale semblait être « Nous ne remettrons pas en question une filière qui semble plutôt bien fonctionner ». Une fois l’état des lieux des finances de la France effectué, il a bien fallu se rendre à l’évidence que Bercy avait malgré tout, et une fois de plus, le dernier mot. Que ce soit pour le logement privé ou le logement public, les coupes franches sont vites arrivées avec le Projet de Loi de Finances 2018 fin septembre dernier. Pour la construction neuve privée, les principales mesures affectent les communes classées en zone B2 du territoire qui se voient amputées significativement du financement à taux 0 % et privées des avantages fiscaux du dispositif Pinel. A titre indicatif, pour l’Auvergne entière, seules les communes de Clermont et Chamalières sont éligibles au dispositif Pinel et au financement à taux 0% tels que nous les connaissions en 2017. En termes d’aménagement du territoire, ces mesures sont totalement irrationnelles. Il faut bien prendre conscience que lorsque ce financement aidé et cette incitation fiscale, qui représentent près de 60 % de nos acquéreurs potentiels, n’existent pas, quasiment aucune opération de promotion immobilière n’est viable et ne peut sortir de terre. Au 4ème trimestre 2017, ce sont sans doute les permis de construire de près de 50.000 logements qui ont purement et simplement été retirés sur les communes de France classées en zone C et B2. Moins 50.000 logements, c’est aussi 100.000 emplois en moins dans les provinces françaises. C’est un vrai coup dur pour l’ensemble de la filière construction et les territoires concernés. Tout ça, pour une économie de dépense fiscale pour l’Etat évaluée à environ 850 M€. C’est toute l’équité républicaine de l’aménagement du territoire qui est remise en question. Pourtant le terme « Cohésion des Territoires » est bien contenu dans l’intitulé de notre Ministère de tutelle. Le choix politique de vouloir concentrer les populations sur les zones urbaines denses est sans équivoque. A mon sens, c’est un des plus graves choix de société qui est arbitré par les politiques successives depuis 20 ans. Si la densification, voire la sur-densification des aires urbaines centrales, était un gage de bien vivre pour les populations, nous le saurions. Les milliards engloutis dans le projet du Grand Paris au détriment de l’équilibre des territoires des provinces françaises est une aberration. Le choix politique de concentrer une telle quantité de population dans des espaces hyper urbanisés, hyper pollués et incirculables, qui plus est, là où le coût de la vie et du logement est le plus élevé, au détriment d’une répartition démographique équilibrée des territoires, relève d’un choix de société irresponsable d’élus décideurs mégalomaniaques et égocentriques. A une échelle plus réduite, cela vaut aussi pour les métropoles régionales… Une des conséquences premières sera sans nul doute une flambée des prix des emplacements à bâtir situés dans les communes éligibles, avec pour effets secondaires un risque de renchérissement significatif des prix de l’immobilier neuf. Nous sommes loin des principes républicains de l’accès au logement pour le plus grand nombre, y compris pour la production de logement social ou l’accession à prix « maîtrisé ». I. – A ce propos, quel rôle jouent les promoteurs privés dans la production de logements sociaux ? P. V. – Sur l’ensemble du territoire national, il est considérable. Près de 40% des logements neufs construits par les promoteurs privés sont des logements sociaux. Dans notre région, les situations sont diverses. Certaines communes dépassent largement le % minimum de 20 % à 25% imposé par la Loi SRU, d’autres sont très déficitaires. En tout état de cause, les deux seules communes de la région sur lesquelles nous allons pouvoir construire ces prochaines années – Clermont et Chamalières - sont toutes les deux impactées par cette servitude. Les promoteurs privés savent parfaitement construire ce type de logement pour le compte de leur clientèle privée par le financement PLS (Prêt Locatif Social) dont le mécanisme contraignant n’est malgré tout pas sans intérêt. Les choses se compliquent lorsque nous sommes dans l’obligation de vendre dans un même programme immobilier ces 25 ou 30 % de logements aux bailleurs sociaux. Dans la majorité des cas nous nous retrouvons, par un arbitrage politique local qui nous est imposé, dans l’obligation de vendre à perte aux bailleurs des logements. La différence de prix est financée par nos 70 % de clients privés restants. C’est un insupportable Impôt Solidarité Logement qui est imposé à nos clients privés et qui contribue largement à renchérir d’autant le prix de vente des logements neufs sur notre agglomération comme dans bien d’autres. Mais là, c’est l’omerta, savamment entretenue par le monde politique avec la complicité bienveillante des grands groupes immobiliers nationaux qui eux arrivent malgré tout sur leurs gros volumes à y trouver des intérêts financiers. D’autant plus que dans bien des cas, ces valeurs de rachat aux promoteurs privés sont inférieures au coût de revient des logements que construisent eux-mêmes les bailleurs sociaux. Sans compter que dans le cycle de vie des futures copropriétés, cette forme de mixité sociale imposée ne manque pas de poser d’autres difficultés. Nous sommes donc, bien contre notre gré, les acteurs impuissants d’une segmentation volontaire et programmée du marché du logement neuf qui exclut de fait des centres-villes les classes moyennes candidates à la propriété immobilière. Ces familles n’auront bientôt plus la possibilité que de se loger dans l’immobilier ancien des communes centres ou périphériques, puisqu’il ne se construira plus de logements neufs collectifs à budgets plus abordables dans les zones B2. I. – Quelles sont les perspectives pour Itinéris Building au cours des prochains mois ? P. V. – Pour les deux ou trois années à venir, elles sont plutôt bonnes. Les réservations de 2017 et celles de ce début d’année 2018, nous autorisent à lancer les travaux de cinq belles résidences. C’est au total plus de 180 logements qui vont être en cours de travaux cette année et qui seront livrables entre 2019 et 2021. Place Henri Dunant, après les travaux de désamiantage et de démolition, les travaux de terrassement de la résidence Gabriel sont en cours. La grue sera installée début mars. Nous livrons aussi cet été les 32 logements à nos clients de la résidence « Les Jardies » dans le quartier des Salins. Itinéris Building a aussi répondu à l’appel à projet de l’Ilôt Sainte-Marie, avenue Roosevelt à Clermont. Je crains cependant que les majors nationaux mettent en jeu des moyens financiers qui dépassent le niveau de risque que peut prendre un promoteur immobilier local. Nous serons sans doute définitivement fixés en avril. En attendant, mon équipe et moi-même restons attentifs à réaliser le meilleur travail possible pour nos clients en les accompagnant pour transformer en belle réalité tous leurs rêves immobiliers.

0 commentaires
Envoyer un commentaire