Philippe Gazagnes : « La médiation va prendre une grande part de notre activité dans les prochaines années »
[caption id="attachment_221491" align="aligncenter" width="800"] « Si l’on reste dans la tradition gauloise du conflit, la médiation ne peut pas fonctionner », affirme Philippe Gazagnes. (© J.-P. B.)[/caption] En compagnie des bâtonniers des barreaux d’Auvergne et des représentants d’associations, le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand vient de signer des conventions relatives à la mise en œuvre de la médiation. Eclairage Info – Quel est l’objet de ces conventions signées la semaine dernière ? P. G. – Le Conseil d’Etat considère depuis deux ans qu’il y a un mode habituel de résolution des conflits entre les citoyens et l’administration qui est le recours au juge. Mais ce recours est couteux et parfois long. Le recours à la médiation offre un processus plus cours, en général compris entre trois et six mois, moins cher aussi, et surtout, chaque partie est invitée à faire valoir son point de vue par l’intermédiaire du médiateur. L’objectif est de trouver une solution au litige, un bon accord ou un mauvais accord. Mais nous avons coutume de dire qu’un mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès. I. – La médiation est-elle une solution également pour désengorger les tribunaux ? P. G. – Oui mais de façon très marginale car nous avons environ 2.200 requêtes au tribunal administratif et dans une année nous conduisons seulement une vingtaine de médiations. C’est un processus jeune qui demande à être développé. Les administrations ne sont pas toutes acquises aujourd’hui à la culture du compromis, de la négociation et même de la simple écoute de nos concitoyens. Je pense que la médiation va prendre une grande part de notre activité dans les prochaines années. C’est une façon d’aborder la résolution des litiges avec l’administration par le biais du compromis. I. – Comment fonctionne la médiation concrètement ? P. G. – Très simplement. Les avocats peuvent me proposer une médiation avant même tout litige. Si l’autre partie est d’accord, je désigne un médiateur qui dispose de trois mois pour trouver une solution. S’il ne la trouve pas, les parties peuvent reprendre le cours de la justice, déposer une requête ou la poursuivre. Au contraire, si un accord est trouvé, après une période de confidentialité, une transaction est signée. Le litige est alors totalement abandonné par les deux parties et plus personne ne viendra voir le juge sur ce sujet. Je précise que je peux désigner un médiateur, un tiers de confiance, impartial et indépendant, mais les parties peuvent également le faire. I. – La médiation est encouragée aujourd’hui par le Conseil d’Etat… P. G. – Nous venons de signer six conventions avec les Barreaux d’Auvergne. Le Conseil d’Etat et le Conseil national des Barreaux, en effet, ont signé le 13 décembre 2017 une convention cadre destinée à inciter les juridictions administratives et derrière elles, les administrations, à ne pas hésiter à recourir à ce procédé qui est amené à un grand développement. Sur la vingtaine de médiations conduite au tribunal depuis que je suis ici, nous avons enregistré une quinzaine de réussites. Ce dispositif marche mais il nécessite un bon examen du litige et un bon examen des parties. Si l’on reste dans la tradition gauloise du conflit, ça ne peut pas fonctionner. L’administration « pot de fer » doit changer ses pratiques et accepter le dialogue et la discussion. I. – Peut-on connaitre quelques dossiers de médiation traités localement ? P. G. – En matière d’urbanisme, nous avons résolu un conflit avec la commune de Châtel-Guyon. Un promoteur avait déposé un projet d’immeuble, contesté par une association de riverains. Après amélioration autour d’une table du projet urbanistique et architectural – nous n’étions pas sur un problème de droit – ce conflit a pu être résolu. Nous avons également conduit une médiation entre des communes qui se donnaient de l’eau dans le Sancy. La commune qui recevait de l’eau revendait le précieux liquide « en douce » mais sans le dire à l’autre ! J‘ai conduit une médiation qui a débouché sur un accord. A contrario, nous avons connu un échec sur l’affaire du Burger King d’Aubière où les positions des deux parties étaient extrêmement opposées. …
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