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Jean-Yves Gouttebel : « il n’y aura pas d’augmentation de la fiscalité pour la 7e année consécutive »

00h35 - 04 février 2019 - par Info Clermont Métropole
Jean-Yves Gouttebel : « il n’y aura pas d’augmentation de la fiscalité pour la 7e année consécutive »
« Je note que la parité est réelle dans les conseils départementaux, elle ne l’est pas au Parlement, ni partout dans les municipalités », observe Jean-Yves Gouttebel. @Henri DERUS – CD 63

[caption id="attachment_226077" align="aligncenter" width="640"] « Je note que la parité est réelle dans les conseils départementaux, elle ne l’est pas au Parlement, ni partout dans les municipalités », observe Jean-Yves Gouttebel. @Henri DERUS – CD 63[/caption] Unesco, fiscalité, politique sociale, actualité… A mi-mandat, le président du Conseil départemental du Puy-de-Dôme dresse un bilan de son action à la tête de la collectivité. Info - Après le classement historique au patrimoine mondial en 2018 du « Haut lieu tectonique Chaîne des Puys/ Faille de Limagne », le plus dur ne commence-t-il pas maintenant ? Jean-Yves Gouttebel – Nous avons obtenu cette inscription après un travail qui a pu paraître long (11 ans) mais qui est dans la moyenne de durée de vie des dossiers Unesco. Ce n’est pas un aboutissement, ce n’est qu’une étape, très importante certes. Maintenant, il nous reste à veiller à ce que le bien inscrit soit entretenu et protégé mais aussi à tirer le meilleur parti de cette inscription pour que le territoire en bénéficie. Il faut que chacun s’approprie cette inscription. Quand nous avons monté ce dossier, nous l’avons construit comme un projet de territoire. Cette reconnaissance internationale doit nous permettre de développer celui-ci. Il faut que ce travail soit partagé par toutes les forces vives du territoire. Cela a commencé par le lancement de la démarche « Tous ambassadeurs » mais il y aura d’autres actions. On s’appuiera également sur les professionnels du tourisme et nous allons adhérer à une structure dénommée « Atout France ». Il s’agit de la grande agence de l’Etat en matière de tourisme et de développement de l’image de notre pays à l’international.

« Une baisse de 34 millions d’€ des dotations de l’Etat »

I. - L’équilibre des territoires a toujours été votre préoccupation, la mise en place des métropoles ne favorise-t-elle pas la césure avec les zones rurales ? J.-Y. G. – Une des causes de la crise des Gilets jaunes, c’est aussi le déséquilibre territorial. La décentralisation n’est pas achevée. Il faut rapprocher les citoyens des centres de décisions. A cet égard, la loi NOTRe me paraît très discutable puisqu’elle a eu tendance à faire l’inverse en créant ces grandes régions. Nous avons besoin d’avoir sur le territoire un tissu urbain fort, capable d’être dans la maille européenne. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien entre les métropoles. Il existe des territoires, ruraux et péri-urbains. L’aménagement du territoire doit prendre en compte l’ensemble de cette réalité. Ce n’est pas la ville ou la Métropole contre les autres territoires. I. - Quel bilan faites-vous de l’instauration de la parité hommes/femmes à l’assemblée départementale ? J.-Y. G. – Il est très positif. D’une part, nous avons beaucoup renouvelé l’assemblée départementale, d’autre part, je pense que nous avons une meilleure approche des problèmes du Puy-de-Dôme. Je n’y vois que des avantages. Je note que la parité est réelle dans les conseils départementaux, elle ne l’est pas au Parlement, ni partout dans les municipalités. Nous sommes donc en pointe sur ce sujet. I. - Où en est le projet de création d’un collège international ? J.-Y. G. – Il est toujours d’actualité. Lorsque j’ai lancé cette idée, il y avait deux préoccupations : premièrement, il fallait apporter une réponse aux enfants dont les familles connaissent une importante mobilité géographique ; deuxièmement, ce projet est aussi destiné aux élèves du département, que l’on habite dans les Combrailles ou le Livradois. Une délégation départementale ira voir prochainement le collège et lycée international de Sophia Antipolis, près de Nice. Pour créer un tel collège, il faut prendre en compte ce qui se fait déjà dans le Puy-de-Dôme à travers les classes internationales. Un collège de ce type doit disposer d’un internat. Où sera-t-il implanté ? On peut imaginer une création ex-nihilo dans la grande agglomération clermontoise ou alors une création en se fondant sur un établissement déjà existant. On s’interroge également sur le fait de créer un lycée international, en lien avec la Région, et peut-être même une école primaire. Nous travaillons sur ce projet avec l’Etat, représenté notamment par le Recteur d’Académie. [caption id="attachment_226078" align="aligncenter" width="640"] « Ce n’est pas la ville ou la Métropole contre les autres territoires », estime le président Gouttebel. @Henri DERUS – CD 63[/caption]

« Un département pilote en matière de transition énergétique »

I. - Êtes-vous confiant dans le développement des internats en France suite au rapport que vous avez rendu à l’automne au Gouvernement avec Marc Foucault ? J.-Y. G. - Ce rapport a, en effet, été remis au président de la République et au ministre de l’Education Nationale lors de la rentrée scolaire. Il n’a pas été dévoilé publiquement. Je pense que le ministre Jean-Michel Blanquer devrait lancer, dans le courant du mois de février, un grand plan internat qui s’appuie sur ce rapport. I. - Quel rôle peut jouer le Puy-de-Dôme dans le grand défi de la transition énergétique ? J.-Y. G. - Lors de la dernière session budgétaire du Conseil départemental, j’ai annoncé que nous souhaitions nous positionner comme l’un des départements pilotes en matière de transition énergétique. Nous avons beaucoup travaillé sur cette question en lançant, il y a 15 ans déjà, le télétravail, en réalisant un plan de déplacement de nos personnels, l’opération Cocon (isolation des bâtiments) ou encore Agrilocal, le développement des circuits courts dans la restauration collective. Mais il nous faut aller plus loin. Cela concerne les personnes sur l’énergie et l’habitat. On va ainsi réviser à la hausse nos plans de déplacements et travailler de concert avec les communes et communautés de communes. Le Département s’équipe de véhicules électriques mais pense aussi au véhicule du futur, en particulier l’hydrogène. Cela nous amène au circuit de Charade qui doit être un vrai laboratoire d’expérimentation des transports de demain. Je souhaite faire de ce sujet une priorité dans les années qui viennent. Nous allons annoncer prochainement un plan de transition énergétique. I. - Le budget 2019 du Département a été adopté. Il se monte à 731 millions d’€, quels en sont les grands axes et qu’avez-vous prévu en matière de fiscalité ? J.-Y. G. - Quand j’ai été élu en 2004, j’ai dit que je voyais le Département comme étant le porteur de trois grandes solidarités : celle des personnes, celle des territoires et celle des générations. Ce budget conforte ces trois volets. Pour rappel, l’enveloppe sociale représente plus de la moitié du budget de fonctionnement. Un autre volet important concerne les investissements routiers puisqu’avec 7260 km, dont 2000 km situés à plus de 800 m d’altitude, notre département dispose du 3ème réseau routier de France. Pour le reste, il n’y aura pas d’augmentation de la fiscalité pour la 7ème année consécutive. J’ai pris l’engagement de ne pas augmenter celle-ci d’ici la fin du mandat. Il faut donc faire des efforts de gestion, des économies, essayer de trouver des pistes de mutualisation comme nous l’avons fait avec d’autres collectivités pour des appels d’offres groupés.

« le département reste l’échelon intermédiaire de proximité »

I. - A combien est estimée la baisse des dotations de l’Etat ces dernières années pour le Département ? J.-Y. G. - Dans le mandat présidentiel précédent (Hollande 2012-2017 NDLR), nous avons connu en moins de trois ans une baisse de 34 millions d’euros des dotations de l’Etat, ce qui est considérable. Nous avons été mis devant le fait accompli. Depuis le début du mandat actuel, il n’y a pas eu de baisse de dotations. L’Etat s’est même engagé, en cas de respect de notre part du pacte financier que nous avons signé en juin dernier, à assurer le maintien, voire même à augmenter ses concours. D’après les premières indications que j’ai aujourd’hui, nous sommes dans les clous. De manière plus générale, les départements demandent depuis 15 ans à l’Etat qu’il compense une partie plus importante de nos dépenses sociales, notamment le RSA (Revenu de solidarité active), l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) et la PCH (Prestation de compensation du handicap). La discussion entre l’Etat et l’Assemblée des départements de France (ADF) est toujours en cours. L’idée de l’Etat serait d’arriver à une situation plus pérenne. Au niveau de l’ADF, nous avons déjà engagé une péréquation entre les départements. La solidarité doit jouer. A titre d’exemple, quand on crée un point de fiscalité dans le Puy-de-Dôme, cela rapporte entre 1,5 et 1,8 million d’€, un point de fiscalité dans les Yvelines, c’est 25 millions. I. - Comment faire face à l’augmentation importante des dépenses d’aide sociale ? J.-Y. G. – Nous avons réussi à bien maîtriser les choses sur l’APA, c’est plus difficile sur le RSA. Pour la PCH, il y a une progression au-delà de ce que l’on avait envisagé. Nous devons être vigilants. Il faut à la fois traquer la fraude et faire preuve d’imagination. Pour les personnes âgées, j’ai souhaité durant ce mandat que l’on élargisse l’éventail d’offres. Il ne faut pas que ce soit systématiquement l’EHPAD. On travaille sur le maintien à domicile, sur la création d’un habitat intermédiaire entre la maison et l’EHPAD. C’est beaucoup moins coûteux pour la société, c’est aussi plus humain. Un des problèmes les plus criants à régler aujourd’hui est l’isolement, aussi bien en milieu rural qu’en ville. I. - Craignez-vous que le département disparaisse un jour du paysage administratif français ? J.-Y. G. – (Avec le sourire…) Je ne crois pas mais il faut toujours rester vigilant. On se rappelle l’annonce faite par Manuel Valls lorsqu’il a été nommé premier Ministre. Il a d’ailleurs dû changer son fusil d’épaule six mois après. Il y a une vision parfois parisienne de la technocratie, de la presse parisienne qui ne sort pas trop du périphérique sauf pour faire de longs voyages en avion. Ces gens-là ne se rendent pas compte de l’utilité des départements. Dans les grandes régions d’aujourd’hui, le département reste l’échelon intermédiaire de proximité, au côté de la commune. Parfois, ce qui est transféré à la Région ne marche pas. C’est l’exemple des transports scolaires et interurbains. Nous avons repris ceux-ci mais dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes. Parmi les propositions que je souhaiterais faire lors du débat, c’est que les départements soient compétents dans ce domaine. Il faut arrêter d’avoir des départements en peau de léopard, sans parler des communautés d’agglomération qui peuvent aussi avoir des compétences en la matière. C’est un sujet que j’ai abordé avec le président de la République. Cela suppose un travail législatif compliqué car il faudrait à la fois modifier la loi NOTRe et la loi LOTI*. Plus largement, sans les départements, nous irions vers une fracture territoriale encore plus marquée. Cette collectivité est un élément d’équilibre du territoire.

« Il faut préserver un peu d’intimité »

I. - Vous n’êtes pas présent sur les réseaux sociaux, contrairement à d’autres élus, est-ce un choix volontaire ? J.-Y. G. – (Ferme…) Absolument ! Si le Département du Puy-de-Dôme est présent avec des comptes officiels, en ce qui me concerne, c’est un choix. Je pense qu’il faut préserver un peu d’intimité. Quand je vois certains élus raconter qu’ils ont fait 30 kilomètres de vélo et qu’une personne leur répond : « on s’en fout », je me dis que tout ça n’est pas très intéressant. D’autre part, je pense que les réseaux sociaux poussent à avoir des réactions à chaud sur un certain nombre d’événements. Ce n’est pas bon du tout car il s’agit de réactions épidermiques… J’ai aussi un peu de pudeur, si je lis un livre, je n’ai pas à dire ce que je pense du bouquin. Nous avons suffisamment de choses à faire et, de temps en temps, il faut prendre un peu de recul pour réfléchir à la stratégie. I. - Les élections départementales auront lieu normalement au printemps 2021, serez-vous candidat ? J.-Y. G. – Premièrement, je n’ai pas l’habitude de tirer des plans sur la comète. On ne sait pas ce que la vie peut réserver. Deuxièmement, il faut bien sûr penser à une nouvelle génération qui doit se mettre en place pour gérer les affaires de la collectivité. Le bon exemple, c’est l’élection du président de la République. Me prononcer aujourd’hui, franchement, je ne sais pas. Plus que l’âge (il aura 70 ans cet été), c’est surtout l’état de santé. Il faut être en forme physiquement pour faire ce travail. Et puis si je le savais et si je le disais, cela aiguiserait les appétits et attiserait les conflits. Nous ne sommes qu’à mi-mandat, il faut donc continuer à travailler. Je note que le Gouvernement décidera peut-être de repousser les élections au mois de décembre pour les faire coïncider avec les Régionales. Tout cela est donc très ouvert. Je rappelle simplement que j’ai engagé un certain nombre de choses importantes pour le Département, je souhaite qu’elles aboutissent. Mais je retiens deux choses de cette vie publique. Je citerai tout d’abord Saint-Exupéry : « le plus beau métier du monde, c’est d’unir les hommes. » Sur le dossier Unesco, nous avons véritablement rassemblé. Tout au long de ma carrière d’élu et dans ce qu’il me reste à faire, je serai toujours dans cet état d’esprit : rassembler. Deuxièmement, il faut toujours faire preuve de modestie. Camus a écrit : « le régime démocratique ne peut être conçu, créé et soutenu que par des hommes qui savent qu’ils ne savent pas tout. » Dans mon travail d’élu, je vais toujours à la rencontre des gens pour savoir ce qu’ils pensent d’une situation ou d’un problème. Malgré la longueur de ma carrière publique, malgré mes spécialités universitaires, je ne prétends pas tout savoir. Enfin, j’estime qu’il ne faut pas prendre les électeurs pour des naïfs, il ne faut pas tomber dans le panneau de la démagogie. Celle-ci consiste à brosser les électeurs dans le sens du poil, à faire des promesses qui ne peuvent pas être tenues. Nous avons besoin aujourd’hui d’expliquer nos actions. Dans la formation des enseignants, il faudrait refaire l’instruction civique, qu’il y ait aussi un minimum de rudiments sur le fonctionnement de l’économie. Il est impossible d’assumer des fonctions collectives et de distribuer plus sans une économie capable de créer de la richesse. C’est l’un des défis à relever dans le domaine éducatif.

Propos recueillis par Jean-Paul BOITHIAS

Photos : Henri DERUS - Conseil départemental du Puy-de-Dôme

* LOTI : loi d’orientation des transports intérieurs.

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