Quand un ancien Bib prend la parole
43 ans en tant qu'ouvrier Michelin, voilà qui valait bien un ouvrage. Le Clermontois Jean-Michel Frixon est passé à l'acte. Cela donne « Michelin, matricule F276710 », un livre où le sportif dans l'âme raconte son long parcours professionnel.
Jean-Michel Frixon le reconnaît d'emblée. Ce livre n'aurait jamais dû voir le jour. L'histoire, écrite à l'origine pour ses deux enfants, Guillaume et Élodie, avait vocation à rester au sein du cercle familial. Mais finalement, son frère l'a convaincu de publier. Un éditeur a accepté et hop, voilà « Michelin, Matricule F276710 » sorti des presses.
En un peu plus de 200 pages, le Clermontois déroule sa vie professionnelle d'ouvrier effectuée entièrement chez le célèbre manufacturier. Avec ses hauts et ses bas. Embauché le 1er novembre 1976, à 17 ans, en tant que coursier, il va passer 43 années dans les ateliers du géant mondial du pneumatique. Entre-temps, une dizaine de postes occupés et une vingtaine d'années sous le régime des 3x8, voilà qui vous casse le plus costaud des hommes.
L'auteur n'élude rien des difficultés : l'alcoolisme, un véritable fléau, surtout dans les équipes de nuit ; les tensions entre les ouvriers, parfois de culture et de confessions différentes, la ligne de démarcation entre cols bleus et cols blancs, les « chefaillons » et leurs petits pouvoirs, l'atelier IPO, « le plus dur », dénommé « la mine » par les Bibs...
« Mais tout ce que je raconte dans le livre pouvait se passer aussi bien chez Renault, au CHU ou ailleurs ».
Lui en est persuadé : c'est le sport* qui l'a sauvé de l'abîme. Sans cet exutoire, auquel il consacrait six entraînements par semaine, peut-être aurait-il sombré dans l'alcool... Pourtant, il l'affirme : ce livre n'est pas un brûlot anti-Michelin, bien au contraire. Jean-Michel a aimé cette boîte, elle qui lui a donné sa chance alors qu'il n'avait pas fait d'études, elle qui l'a fait vivre avec sa famille, elle qui lui a donné un coup de pouce financier pour disputer les championnats du monde à Porto Rico, elle qui lui a apporté des moments de joie et des instants improbables. Comme cette rencontre avec Édouard Michelin en personne, le boss, dans son bureau. Nous sommes le 6 novembre 2003... soit deux ans et demi avant le tragique décès du capitaine d'industrie au large de l'île de Sein.
« Il était plein de respect. Je n'oublierai jamais ce moment. J'ai été bluffé. J'ai même failli le tutoyer tellement je me sentais à l'aise à ses côtés », souligne l'auteur, qui lui a remis ce jour-là, avec la complicité de l'assistante personnelle du patron, son maillot de champion du monde de marche athlétique.
Jean-Michel Frixon n'a pas souhaité porter de jugement sur cette longue vie professionnelle traversée non sans heurts. Son passage chez Bib s'est achevé sur un départ à la retraite heureux et même « surréaliste ». Avec la volonté de laisser au lecteur le choix de se faire sa propre opinion, Frixon raconte avec son cœur ce qu'il a vécu, ce qu'il a vu et entendu. Des faits tout simplement. À la manière d'un journaliste. Un récit terriblement sincère et poignant.
Pratique : « Michelin, Matricule F276710 » est paru chez Nombre 7 Éditions. Il est disponible à la Librairie Les Volcans, à Clermont, ainsi que dans les Centres Leclerc / www.nombre7.fr
* Passé par le Stade clermontois et l'ASPTT Clermont, Jean-Michel Frixon a glané 8 titres de champion de France en marche athlétique (1 chez les seniors et 7 chez les vétérans). Il compte 6 sélections en équipe de France.
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