Sellig : « Je caricature, c'est mon métier. Raconter un vrai Noël, ce n'est pas drôle. »
Après avoir enflammé la Baie des Singes en novembre dernier, l'humoriste Gilles Magnard alias Sellig reviendra le vendredi 31 mars à la Maison de la culture de Clermont-Ferrand avec un « best-of » de ses épisodes.
Après ce double succès à la Baie des Singes à Cournon en novembre, on vous retrouvera à la Maison de la culture au mois de mars ?
Cela fait 25 ans que je viens à la Baie des singes. J'adore, je suis chez moi, c'est comme à la maison, c'est grand mais intime. On est à l'aise. J'ai la bonne humeur naturelle, on est contents d'être là avec les gens. C'est un humour familial, c'est pour passer un bon moment donc cela démarre vite. Au mois de mars, ce ne sera pas le même spectacle, mais un Best-of avec les meilleurs sketchs des épisodes 1, 2, 3, 4 et 5. Le 6 n'est pas encore prêt.
Le thermomix, le détecteur de fumée, le con de la voie du milieu sur l'autoroute, la liste de courses, le ticket de péage, Top Chef... vos sketches, ce sont surtout des scènes de la vie de tous les jours ?
Oui, en fait je regarde ce qui m'agace ou m'énerve dans ma vie ou ce qui rend dingue les autres et j'en fais un sketch. Finalement, on a tous la même vie, on est tous pareil. 90 % de la population française vit la même chose, on n'est pas tous des milliardaires. Je fais mes courses à Carrefour, je prends le métro, le bus... Je sais de quoi je parle et je ne m'embarquerai pas dans un sketch politique ou religieux qui diviserait car je ne maîtrise pas alors je vais dire que des clichés. Je maîtrise mon sujet.
Comme votre famille...
Oui, Bernard mon beau-frère, ma sœur... il y a 25 ans, quand j'ai créé ce premier sketch « le déménagement de ma sœur », je ne pensais pas du tout que cela deviendrait cette espèce de famille culte qui me permet de parler de sujets familiaux. Ma sœur n'existe pas, je me suis inspiré de cousines un peu comme ça. Cela permet de parler de sujets comme les vacances ou Noël. Je caricature, c'est mon métier, si je raconte un vrai Noël, cela ne va pas être drôle. C'est comme les vacances entre amis : les enfants des amis, c'est l'enfer, on part amis, on revient ennemis. Tout le monde connaît ça. Quand je parle de Bernard, tout le monde hurle de joie. J'en suis très fier.
« Finalement, on a tous la même vie, on est tous pareil. 90 % de la population française vit la même chose, on n'est pas tous des milliardaires. »
On sent dans vos sketchs que vous avez bien connu le monde de la gastronomie ?
Oui j'ai été cuisinier dans les « Bouchons » lyonnais. J'ai bientôt 54 ans, et ceux de ma génération apprenaient un métier quand on n'était pas faits pour l'école. Le permis, l'armée, le mariage, les enfants et le travail, c'était le parcours classique... j'ai fait ça pendant dix ans dans les cuisines et en même temps j'adorais faire des sketchs depuis tout petit. Au lieu d'aller au foot, j'allais faire des premières parties dans les cafés-théâtres lyonnais et cela a duré huit ans comme ça. Je m'amusais bien jusqu'au jour où « Graines de stars » est arrivée et où tout a changé...
Qu'est-ce qui vous a donné envie de monter sur scène ?
Petit, je faisais les sketches de Roland Magdane et Albert Dupontel m'a influencé beaucoup. Un jour, ma mère a trouvé un prospectus d'une association d'arts basée à Lyon qui faisait des scènes ouvertes tous les lundis. Elle m'a dit : « regarde, tu peux aller raconter des blagues ». J'y suis allé avec un pote et Jeannie, paix à son âme, m'a dit : « super, tu viens ce soir avec d'autres artistes, des chanteurs, des clowns et tu raconteras des blagues. » Elle m'a demandé d'avoir un nom d'artiste. Je m'appelle Gilles Magnard et à l'école je marquais toujours Sellig sur mon cahier, mon nom à l'envers. J'ai choisi ce surnom. C'est resté, en 1992. J'étais toujours cuisinier et j'ai gagné deux fois « Graines de stars » et d'autres festivals. C'est Anne Roumanoff qui m'a repéré.
Et cela a changé votre vie ?
Elle a voulu me produire, que je vienne à Paris mais je ne voulais pas. C'est elle qui m'a dit : « écoute Gilles, ce que je te propose, cela ne repassera peut-être pas deux fois. La cuisine, tu pourras toujours y retourner. Réfléchis bien. » J'avais une famille mais j'ai démissionné et on est monté à Paris. Je dois beaucoup à Anne : elle m'a mis en première partie à Bobino, elle m'a mis en scène, logé, nourri... Je suis très proche d'elle. Si elle a besoin de moi, je serai là. Sans elle je n'en serai pas là. Je fais des Olympia, elle est très heureuse. Certains se demandaient pourquoi elle me produisait donc elle est fière, elle ne s'est pas trompée. Elle m'emmenait avec elle en première partie, c'était dur car ce n'était pas mon public mais elle décortiquait mes prestations. Il a fallu que je m'adoucisse... En trois ans, j'ai énormément travaillé avec Anne. Il y a une partie de chance aussi et de prise de risque.
Les petits soucis du quotidien ont inspiré d'autres artistes depuis...
Cela fait rire les gens et avec le sketch de l'autoroute, au lieu de s'énerver au péage, la prochaine fois ils penseront à moi et rigoleront.
On a découvert que vous écriviez des romans et que vous étiez ami avec l'écrivain Bernard Werber (La saga des Fourmis...). Racontez-nous un peu cette rencontre ?
On se connaît depuis trente ans. J'adorais son livre « Les Fourmis » et je l'avais invité à voir un de mes spectacles. Il m'a envoyé un mail et depuis on ne s'est jamais lâchés. Il adore mes spectacles et me disait tout le temps : « c'est pas assez long, c'est pas assez long. » Je ne peux pas écrire des sketches de 20 minutes. Il m'a dit d'écrire des livres. Je ne savais pas « écrire ». J'ai débord écrit un livre qui ferait rire avec son aide. Il a fait la préface puis j'ai écrit d'autres livres. Le cinquième quand il l'a lu, après quinze ans de travail, il m'a dit, ça y est tu es un auteur, tu maîtrises les chapitres, le récit, l'histoire d'amour, l'intrigue, le suspense. C'est grâce à lui ! Mon cinquième livre est abouti. Bon, il ne se vend pas mais on s'en fiche il m'a dit. Il se vendra peut-être dans vingt ans. Ce n'est pas un passe-temps, c'est un travail que je m'oblige à faire tous les jours. Une fois que le spectacle est écrit, travaillé et peaufiné et bien je n'ai plus rien à faire. Donc j'écris. Ce n'est pas l'édition qui me fait vivre. Bernard Werber m'a poussé à faire ça et j'en suis très heureux. Il me fait travailler. C'est un ami et un maître d'écriture.
« C'est Anne Roumanoff qui m'a repéré. Je lui dois beaucoup. »
Sur la scène actuelle, qu'est-ce qui vous plait chez les humoristes ?
J'aime bien Gaspard Proust en humour noir, c'est une référence. Je serais incapable de faire ça. Je pourrais l'écrire mais je ne pourrais pas le dire. Il y a tous mes potes, Olivier de Benoist que j'adore, les jeunes talents et Booder qui me fait rire beaucoup. Et Florence Foresti, j'adore cette rigueur comme moi, ça tombe boum. Et ce quotidien de femme forte, j'adore aussi. Il n'y a pas besoin d'être célèbre pour que le sketch soit drôle. Je vais voir des Comedy clubs à Lyon, il y a de belles choses. Là, j'aide une jeune clermontoise, Anne Gilibert. Je l'aide à écrire, elle a du talent. Elle est sage-femme à Clermont, elle a deux enfants en bas âge, et elle y va ! Comme Bernard Werber ou Anne Roumanoff l'ont fait, je rends aussi aux autres.
Jouer à la Maison de la culture c'est un défi après la Baie des singes ?
Pas vraiment car je peux passer de salles de 50 places à 2000. Je n'ai pas de souci avec ça. Ce ne sera pas le même spectacle qu'à la Baie des Singes et on n'a pas le même rapport avec une petite ou une grande salle. Les grandes salles, c'est plus facile et il ne faut pas tomber dans la facilité quand cela rigole car quand on revient dans une petite salle et que le public est moins fan, on se dit qu'on n'a pas assez travaillé. Il faut toujours travailler, son attitude, son sourire, sa bienveillance. Je suis toujours en quête du spectacle parfait qui n'existe pas.
Le vendredi 31 mars à la Maison de la culture. 1re partie, Élodie Arnould, humoriste et Youtubeuse. Billets et infos : www.arachnee-concerts.com
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