Opéra : Carmen Al-Andalus vous « emmène dans un très beau et imprévu voyage »
Les 12 et 13 octobre, Clermont Auvergne Opéra présente une nouvelle orchestration de l'opéra de Bizet et de la nouvelle de Mérimée. Une Espagne métissée où les cultures se rapprochent. Entretien avec Olivier Desbordes, le metteur en scène.
Cette Carmen Al-Andalus, a l'air riche en couleurs ?
Nous l'avons produit avec la compagnie Opéra éclaté, structure qui produit des opéras conçus pour pouvoir circuler dans des théâtres plus ou moins grands dans toute la France. L'idée est de démocratiser l'opéra et on s'occupe de promouvoir de jeunes chanteurs. Carmen est un grand opéra du répertoire et l'un des plus célèbres. Je l'ai pris en main avec des musiciens français et marocains en se disant qu'il serait intéressant de situer l'histoire entre le nord du Maroc et le sud de l'Espagne. C'est l'histoire, sur une terre de contrebande. On a trouvé dans la musique de Bizet de quoi faire des ponts avec la musique andalouse. Donc on mélange les deux. Pour rassurer les gens qui aiment Carmen, il y a tous les airs de Carmen, mais ils sont orchestrés différemment avec des percussions marocaines comme la darbouka, de la guitare et avec des morceaux écrits spécialement pour ce projet, entre les morceaux de Bizet, avec de la musique andalouse pure. Cela emmène les gens dans un super beau voyage, imprévu.
Il y a beaucoup d'artistes marocains ?
J'ai un grand amour du Maroc, je connais bien ce pays, j'ai habité Marrakech, j'ai des amis à Rabat. Les Marocains m'ont félicité pour ce spectacle qui n'est pas du tout « orientaliste ». C'est vraiment métissé. Les costumes, les chapeaux, les tapis, les chaises viennent du Maroc ou des souks de Marrakech. Cette Carmen, on l'a jouée à Rabat en 2001 à Salé, sur la plage. Le décor a été peint par un peintre marocain, avec une toile de 12 mètres de long. Tout le monde est en costume marocain, car c'est le Rif, la région de Tanger qui fait la contrebande avec l'Espagne.
Mais aussi d'autres nationalités...
Carmen elle est franco-marocaine, elle parle et chante français mais peut parler l'arabe marocain. J'ai essayé de mêler les origines dans la distribution les profils, c'est une photographie de la société française. Il y a des musiciens marocains comme Marwan Fakir, un percussionniste palestinien, des chanteurs comme Omar Hasan qui est d'origine syrienne et argentine, des musiciens libanais et Français comme Pierre-Antoine Despartures... Ils vivent tous en France mais nous avons essayé de mélanger toutes ces sensibilités artistiques, les réunir pour faire l'opéra de Bizet. C'est une vraie création. Nous avons fait huit représentations en tournée et le public adhère énormément. Les spectateurs sont surpris puis on les embarque après. Les gens ont toujours envie d'être embarqués.
Cette Carmen pourrait être une femme d'aujourd'hui ?
Je comprends pourquoi cela a fait scandale à l'époque car finalement, Carmen, elle est scandaleuse. Elle est complètement libre, elle fait ce qu'elle veut et mène tous les hommes par le bout du nez. Elle a quelque chose de très intéressant, nous l'avons travaillé avec Ahlima Mhamdi, c'est qu'elle est exigeante. Tellement vis-à-vis des hommes que les hommes la déçoivent. Elle veut aller au-delà d'une simple relation Homme-Femme. Les hommes ne sont pas dignes d'elle. Je ne dis pas que les hommes ne sont pas dignes des femmes. On dit toujours, qu'à la fin de Carmen, les femmes sont des victimes. J'ai essayé de travailler cela différemment. Elle sait qu'elle va vers la mort car elle sait que la seule solution pour aller au-delà de ses exigences et quitter ces pauvres mecs qui s'entretuent pour elle, c'est celle-là. C'est un choix, ce n'est pas une fuite. Un moment elle chante « la mort, toujours la mort » et cela l'illumine. Elle ne pourra pas s'en sortir, elle n'aime pas le monde dans lequel elle vit, il est trop terre à terre. C'est un grand personnage romantique. C'est une vraie tragédie... Elle veut aller au bout de son destin. Elle vit la vie à fond.
Dans cet opéra, on retrouve l'esprit du conte d'autrefois ?
Sur la place Jemaa el-Fna de Marrakech, à la tombée de la nuit, les conteurs se mettent en cercle. Et mon histoire commence comme ça. Yassine Benameur (le mari de Carmen N.D.L.R.) commence à raconter l'histoire et tout le monde se met en cercle, comme une fable orientale. Et elle se termine ainsi. C'est très coloré. L'orchestre est sur scène en costume et il y a un décor unique en forme de place de village. Cette place c'est le lieu de la vie sociale. Il y a aussi une corrida virtuelle. C'est un opéra tragique fait joyeusement. On a joué cet été dans un petit village du Gers, les gens ont adoré.
Jeudi 12 et vendredi 13 octobre à 20 heures, à l'Opéra de Clermont-Ferrand. De 12 à 45 euros. www.clermont-auvergne-opera.com
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