Ludovic Landais : "L'agriculteur est une variable d'ajustement au profit d'un business lié au volume"
Éleveur de chèvres et de brebis à Besse, Ludovic Landais est le porte-parole départemental de la Confédération paysanne, le 3e syndicat agricole qui représente 20 % des agriculteurs qui s'expriment en France.
Vous étiez présent Place de Jaude le dimanche 3 mars pour rencontrer les « consommateurs ». C'est nécessaire ?
Il nous paraît plus intéressant de faire un volet pédagogique pour le citoyen consommateur et pour les agriculteurs qui regardent qui se sentent mieux représentés quand il s'agit d'intégrer les problématiques environnementales, plutôt que de les écarter comme le gouvernement est en train de le faire. Ce n'est pas une histoire de taille d'exploitation mais une histoire de démarche. Certains ont déjà entamé une démarche car ils sentent que le modèle agricole doit aller vers d'autres méthodes plus respectueuses de l'environnement mais aussi plus rémunératrices. Ils ont des soucis pour intégrer des méthodes plus innovantes, la vente directe et gagner en souveraineté dans l'offre de l'alimentation qui doit être plus respectueuse de la santé. Ces gens-là, dans le mouvement agricole actuel, ils ne se sentent pas forcément représentés car tout en haut de l'échelle syndicale, les cadres de la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) font affaire avec l'agro-industrie en laissant de côté les vraies problématiques. Quand on suspend le plan Écophyto (Qui vise à réduire l'usage des pesticides N.D.L.R.), cela n'inquiète pas les agriculteurs qui sont éleveurs comme moi en montagne. Ce qui les inquiète c'est de savoir comment ils vont se verser un salaire avec des qualités de lait, de commercialisation pour valoriser leur travail plutôt que de savoir que l'on va leur suspendre le plan Écophyto ou une autre règle environnementale.
Êtes-vous d'accord avec les mesures prises par le gouvernement ?
C'est complètement à contre-courant et cela ne répond pas aux exigences. Ce sont des coups de communications comme c'était le cas avec les gouvernements précédents. Je veux bien entendre parler de prix « plancher » mais si simplement on annulait les accords de libre-échange comme celui du Mercosur, on serait certain de garantir un revenu correct aux paysans. Mais du moment où ces tractations vont continuer sur ces accords, je ne vois pas ce qu'ils peuvent faire à part réinjecter des subventions pour faire une compensation des prix aux agriculteurs. En tout cas, ils ont divisé par deux le délai d'instruction pour les zones de stockage d'eau. Cela m'inquiète car cela veut dire que les mégabassines vont encore fleurir et que la répartition de la ressource va être diminuée et mal répartie. La suppression du plan Écophyto nous fait mal car que ce soit les agriculteurs Bio ou les autres, on s'est quand même battu pour qu'il y ait un minimum de règles afin que les gens soient protégés quand il y a des épandages. Sur les revenus, tant qu'il n'y a pas une suppression des accords de libre-échange et l'application de la loi Egalim (Pour protéger les agriculteurs dans leurs relations commerciales avec la grande distribution N.D.L.R.) je ne vois pas comment on peut s'en sortir.
La situation est-elle différente dans le Puy-de-Dôme ?
C'est un problème européen. On ne fait plus d'agriculture mais de l'industrie. On pulvérise l'agriculteur comme une variable d'ajustement au profit d'un business lié au volume avec des poulets à bas prix. Le Puy-de-Dôme n'échappe pas à cela mais il a la particularité d'être un territoire de plaine et de montagne, d'étages et de culture. Nous sommes aussi le bassin de Limagrain et il y a aussi des choses à dire en termes de variété de semence, d'usage de l'eau ou d'irrigation. Mais on est sur un territoire où l'on est vigilant avec des paysans qui ont une vision globale des problèmes et cela fait de nous une force. Nous avons un Conseil départemental efficace avec des aides comme l'Agrilocal qui permet une commande publique simplifiée ou faire appliquer la loi Egalim sur la partie territoriale cantine scolaire ou hospitalière... C'est aussi une agriculture qui est très riche avec 5 AOP Fromages. Mais malgré cela la question qui doit être abordée c'est de savoir comment les paysans peuvent avoir une rémunération digne de ce nom sans passer par des aides qui sont des pansements sur une jambe de bois. On a tout enlevé à l'agriculture Bio pour faire des cadeaux à l'agriculture industrielle. On tire un peu l'agriculture vers le bas et ceux qui sont prêts à amener des solutions sont laissés-pour-compte.
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