Justin Labattu : "C'est aussi ça l'écologie : réinventer un nouveau monde et troubler ses habitudes"
Passionné de sports de glisse, Justin Labattu a réalisé le documentaire « Sancy, la dernière ascension » qui suit le parcours d'un snowboarder dans nos montagnes. À voir depuis le 11 décembre sur Youtube.
Quelle a été la genèse de ce projet ?
On suit Rémi qui fait une dernière ascension du Sancy avant de partir en Afrique du Sud pour faire ses études scientifiques. Malgré sa grande connaissance du volcan, il lui réserve quelques surprises. Je voulais que le plus grand nombre de personnes le voient pour amener une réflexion globale, valoriser notre région avec l'idée que l'aventure commence à côté de chez-nous. Les grands axes sont pédagogiques, écologiques et sportifs. Car c'est accessible à tout le monde aussi bien aux petits qu'aux grands. C'est une approche douce qui parle à tous, à travers le sport et le snowboard. J'utilise la pratique du snow pour parler d'écologie alors que ce sport ne l'est pas... On est tous un peu incohérents mais on essaie tous de s'améliorer.
Le fil rouge, c'est cet héritage que l'on doit préserver ?
Je ne dirai pas que les snowboarders sont plus attentifs que la moyenne à la défense de l'environnement. Au niveau matériel non, avec les transports, l'exploitation de la montagne et le fait d'amener la ville à la montagne lors des compétitions. Avec le hors-piste, comme dans ce film-là, ce n'est pas la même démarche. Rémi fait tout à pied. En 2002, dans les stations auvergnates, on m'a parlé de réchauffement climatique et je voyais bien que ma discipline était liée aux conditions climatiques. Avec mes amis, on surfait de novembre à début avril, et on a vu qu'il y avait de moins en moins de neige. En 2013, on a fait une vidéo pour le festival « Filme ton Sancy » puis j'ai réfléchi à entamer un projet plus important où l'on pourrait parler de sujets « scientifiques » à travers le snowboard. Et inversement. En faisant ce document on pouvait mettre en relief les spécificités uniques du massif du Sancy.
Ce projet a duré 7 ans avec un impact qui n'est pas neutre ?
J'ai commencé la réalisation avec des passionnés et en étant passionné. Aujourd'hui ma passion a évolué et d'autres paramètres rentrent en compte. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai arrêté le snowboard depuis 2 ans alors que cela faisait partie de ma vie. C'est aussi ça l'écologie, c'est se renouveler et réinventer un nouveau monde, troubler ses habitudes. Il y a plein d'autres belles choses que le snowboard dans la vie, moins impactantes et si je devais refaire ce projet aujourd'hui, je ne le ferai pas de la même façon. Même si on a travaillé en équipe réduite, sur des distances courtes avec un impact mais que l'on essayait de réduire avec des repas végétariens.
Comment avez-vous imaginé ce plan avec l'aigle royal qui survole les paysages ?
Même si en hiver, la flore est restreinte, la faune est présente. Il y a vraiment de beaux animaux que l'on peut retrouver dans nos forêts. Il y aurait un couple d'aigle royal dans le Sancy et je voulais mettre ça en valeur. J'ai rencontré un fauconnier au château de Murol qui m'a aiguillé sur un autre fauconnier passionné : Laurent Lalanne. Après un travail de longue haleine avec son aigle Tsar, on a réussi à sortir de belles images. C'était un vrai défi, un petit film à l'intérieur du film, très court mais qui demande beaucoup de travail. Ce plan a reçu le Winter GoPro Award 2019.
Vous filmez une Auvergne magnifique mais austère ?
Exactement, c'est une nature qui n'est pas clémente, pas de carte postale mais avec du caractère. Ces abbatiales font partie de cet héritage, de l'histoire de l'art, importante pour l'être humain. Nous avons un héritage géologique, avec les volcans qui ont créé l'atmosphère dans laquelle nous vivons et c'est une chance. On parle aussi de l'héritage familial avec les coutumes. C'est magnifique mais certains héritages sont à remettre en question comme manger beaucoup de viande. Une trahison positive de cet héritage pour conserver un héritage peut être bienvenue. Ce film est aussi un hommage à l'eau, sous toutes ses formes. La source de toute vie. Il y a plusieurs niveaux de lectures : l'héritage de milliards d'années mais aussi l'héritage familial.
En ligne sur Youtube le 11 décembre, pour la journée internationale de la montagne.
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