Clermont-Ferrand 17° C
vendredi 21 février

Lara Tabet : la fusion des arts et des sciences

17h02 - 18 février 2025 - par Info Clermont Métropole
Lara Tabet : la fusion des arts et des sciences
Correspondent Species interroge à la fois le passé et le présent de notre cohabitation avec les non-humains.

À l'occasion de la 47e édition du Festival International du court métrage et jusqu'au 29 mars, un focus géographique met à l'honneur le Liban et l'Hôtel Fontfreyde expose la photographe libanaise, Lara Tabet. À travers une approche transdisciplinaire, l'exposition décloisonne les savoirs et interroge les catégories traditionnelles et binaires, notamment celles liées aux genres.

Tous les deux ans, en partenariat avec l'association Sauve-qui-peut le court métrage, l'Hôtel Fontfreyde - centre photographique expose un photographe, membre du jury de la compétition labo du Festival International du court métrage de Clermont-Ferrand.

Lors de cette 47e édition, l'exposition mettait à l'honneur la photographe libanaise Lara Tabet. Mais réjouissez-vous, elle est visible jusqu'au 29 mars encore.

Née au Liban et aujourd'hui basée à Marseille, le parcours de Lara Tabet reflète une quête constante de sens, un désir de comprendre les mondes invisibles et de les traduire à travers des mediums artistiques multiples.

Son travail repose sur la recherche, l'expérimentation et une exploration incessante de nouveaux formats.

Photographie expérimentale, vidéo, installation, bio-art : ses projets ne se contentent pas de faire écho à l'état du monde, ils questionnent la manière dont nous le percevons et le vivons.

Lara Tabet utilise ses connaissances en biologie pour interroger les enjeux environnementaux contemporains, notamment en ce qui concerne les questions d'écotoxicologie et les écologies aquatiques. Ses recherches actuelles, par exemple, s'intéressent au potentiel diagnostique et forensique de l'eau, un élément vital qui, dans son œuvre, devient un champ d'investigation symbolique, politique et scientifique. L'eau n'est plus simplement un élément naturel ; elle devient un lieu de pouvoir, de surveillance et de résilience face aux crises environnementales. Au cœur de sa méthodologie, Lara Tabet travaille en collaboration avec des scientifiques et des laboratoires de recherche.

Son approche s'apparente à une alliance entre l'art et la science, une forme de recherche trans-disciplinaire qui brouille les frontières entre création d'images scientifiques et artefacts artistiques. Dans ce travail de laboratoire visuel, elle met en tension les notions de biopolitique et de bio-poétique, jouant avec les matériaux bio- logiques et photographiques pour produire des œuvres qui sont à la fois des objets de contemplation esthétique et des points de départ pour une réflexion sur notre relation au vivant.

Dans ses œuvres, les entités biologiques, qu'elles soient humaines, animales ou végétales, deviennent les partenaires d'un dialogue essentiel qui dépasse les hiérarchies traditionnelles. Elle a exposé son travail dans de nombreuses galeries et institutions de renom à travers le monde.

De la Villa Empain à Bruxelles (2022) à l'Institut du Monde Arabe à Paris (2022), en passant par des lieux emblématiques comme la Galerie Odile Ouizeman à Paris (2020), les Rencontres Internationales de la photographie à Arles (2019), ou le Wesfälischer Kunstverein à Münster (2019), son œuvre a trouvé un écho international.

Intitulée Extended Spectrum (Spectre élargi), l'exposition explore les profondeurs du réel à travers des écritures polymorphes mêlant photographie, sciences naturelles et biomédicales, fiction spéculative et autobiographie.

Se situant à la frontière entre visible et invisible, certitude et doute, le travail de Lara Tabet interroge les forces sous-jacentes, humaines et non-humaines, qui régissent le monde. Le concept de spectre, central à l'exposition, renvoie à des significations multiples : le spectre lumineux et ses ondes colorées, le spectre des identités de genre, et la photographie spirite du XIXe siècle, qui tentait de capturer un hypothétique monde parallèle.

À travers une approche transdisciplinaire, l'exposition décloisonne les savoirs, entrelace art et sciences, et interroge les catégories traditionnelles et binaires, notamment celles liées aux genres.

En mêlant techniques photographiques anciennes et technologies modernes, Lara Tabet s'engage dans une réflexion sur l'anthropocène et met en lumière les relations invisibles qui définissent notre époque.

Profondeurs du réel

Elle mêle des techniques photographiques anciennes à des technologies de pointe, et met en lumière des relations invisibles. Elle se joue des rapports d'échelles - entre le microscopique et le macroscopique, l'infiniment petit et l'infiniment grand, le local et le global.

Les détails agrandis de films et pellicules photographiques manipulées par l'artiste deviennent des vues aériennes, continents survolés, ou vues satellitaires de banquises mystérieuses sur Google earth... D'autres images évoqueront les scanners ou quelque IRM d'organes internes et cachés au regard. L'image est un outil performatif ; nous sommes finalement poussières... un moyen d'interroger autrement notre rapport à la nature et à notre environnement.

Dans A Personal Cartography of Entangled Toxicities, Lara Tabet trace une carte intime de son parcours migratoire en répertoriant les plans d'eau rencontrés sur son chemin. À travers la bactériographie, une technique expérimentale où les micro-organismes aquatiques interagissent directement avec la surface photosensible du film, l'artiste fait naître un visuel unique, produit par les bactéries elles-mêmes, en un jeu subtil entre nature et photographie. Cette approche remet en question la manière dont les technologies modernes capturent la surface du monde, tout en nous confrontant à un univers microscopique trop souvent ignoré.

L'installation Blindspot se déploie autour de l'omniprésence des technologies de surveillance, qui scrutent le ciel, traquent les corps et les espèces, et exercent un pouvoir invisible mais constant sur nos vies. Cette œuvre interroge le rôle de l'image dans cette ère numérique et propose, paradoxalement, l'invisibilité comme mode de résistance. Un appel à réfléchir sur ce qui échappe au regard technologique, à ce qui ne peut être capté par l'objectif ou l'écran.

Dans Resilience Overflow la construction d'une souche bactérienne génétiquement modifiée pour produire le gène de la résilience questionne les modes d'alliances possibles entre l'humain-e et le microbiologique.

Le retour du vieillard présente une relecture féministe et décoloniale des pratiques et croyances liées au corps, à la sexualité et au genre en renouant avec les connaissances anciennes et autochtones sur les plantes, rituels corporels et remèdes de la médecine arabe. Cette œuvre redonne voix à ces connaissances ancestrales, reposant sur une vision holistique du corps et de la nature.

Enfin, Correspondent Species tisse une nouvelle cartographie des relations entre les espèces marines endémiques et invasives, en explorant les flux biologiques et écologiques qui les animent. Cette œuvre interroge à la fois le passé et le présent de notre cohabitation avec les non-humains, tout en offrant une réflexion sur l'avenir de notre écosystème. À travers ce travail, Lara Tabet développe une bio-poétique questionnant les liens entre la nature, l'humanité et l'urgence écologique globale.

Gratuit et sans réservation. Visite commentée « tout public » à 16 heures le mercredi 5 mars et samedi 8 mars. Rencontre avec un auteur à 18 heures le mercredi 19 mars. Visite atypique à 18 h 30 le jeudi 13 mars. Ouvert du mardi au samedi de 13 h 30 à 19 heures. Fermé les dimanches, lundis et jours fériés : 1er janvier, 1er mai, 1er novembre et 25 décembre. 34, rue des Gras 63 000 Clermont-Ferrand - Tel. 04 73 42 31 80 fontfreyde-photographique@ville-clermont-ferrand.fr.

0 commentaires
Envoyer un commentaire