Thierry Poyet : "Les gamins du coin rêvent de porter ce maillot vert ou de porter le maillot jaune et bleu"

Maître de conférences à l'Université Clermont Auvergne, Thierry Poyet publie son 6e roman, « Le maillot de Larqué ». Une intrigue passionnante autour de l'épopée des Verts qui nous plonge dans une ville méconnue.
C'est la première fois que vous mêlez intrigue et passion pour l'ASSE ?
Dans mon premier roman, « La petite stéphanoise », j'étais parti du bombardement de Saint-Étienne et j'avais inventé une histoire, celle d'une petite fille de 10 ans. J'avais envie de parler de ma ville et les éditions Chum ont créé cette collection Des nouvelles de Sainté. J'aurais pu parler de Saint-Étienne à travers les grandes grèves de mineur mais pour moi, passionné de football, le sujet de l'ASSE fonctionnait bien. Pour tous les supporters, il y a un élément d'histoire récente mais qui aura 50 ans en 2026, c'est la fameuse finale du 12 mai 1976 de Coupe d'Europe des clubs champions à Glasgow. Mêler l'Histoire sportive avec un récit de fiction, c'est une occasion de me faire plaisir.
On est très vite capté par l'histoire de ce maillot volé...
Nous avons un personnage qui interroge, il poste des vidéos sur YouTube dans tous les coins de la ville et affiche un maillot de l'ASSE, qui daterait de 1976 avec des inscriptions « je t'aime Jean-Mi », cela fait le buzz. Qui est-ce ? Qu'est-ce que cela signifie ? Il y a un mystère et une enquête à mener. Si on demande aux Français ce que leur suggère cette ville, la majorité dira le football et la mine. J'ai essayé avec ce petit roman de mêler ce souvenir sportif que tous les Français ont en tête et faire un tableau de Saint-Étienne et de sa région. En étant fidèle à son passé mais aussi en montrant une région qui a avancé, qui s'intéresse à l'art et qui est aussi une région très nature.
Dans ce lot de joueurs extraordinaires, pourquoi Jean-Michel Larqué ?
J'ai une admiration pour ce joueur. J'étais gamin en 76 et je me souviens d'un joueur emblématique, capitaine de l'équipe, qui portait dans le jeu et le collectif une responsabilité supplémentaire. C'était un joueur qui incarnait cet esprit stéphanois, ce courage et en même temps un joueur avec une vraie classe. Son après carrière aussi est admirable. Il est resté dans l'esprit de tous les Français en étant commentateur aux côtés de Thierry Roland. Aujourd'hui encore, il est chroniqueur sur RMC et ses interventions sont très réfléchies.
C'est aussi un bon moyen de sortir du cliché de la ville minière...
Ce roman se lit aussi comme un guide touristique dans et autour de Saint-Étienne. Le personnage principal va la nuit exposer son maillot partout. Il nous emmène en haut des terrils, au musée d'art moderne, devant la gare, c'est une promenade dans cette agglomération, avec son parler gaga. Les Stéphanois vont reconnaître ces lieux et ceux qui ne le sont pas vont découvrir une ville qui ne se limite pas à ce qu'elle a été au temps de Manufrance ou au temps des mines. La dimension football parlera aux passionnés mais elle ne s'adresse pas à des spécialistes. Car le personnage fait ça pour une bonne raison mais pas liée au football.
Y a-t-il des similitudes entre Clermont avec l'ASM et Michelin, et Saint-Étienne avec l'ASSE et ses industries ?
L'ASM est liée à Michelin et l'ASSE est liée à Casino et à son fondateur Geoffroy Guichard. Le premier point commun c'est le lien très très fort de chaque ville à une entreprise qui l'identifie. Il y a une dimension ouvrière très importante car c'est une façon de cultiver une identité qui sont celles du sport, mais au-delà, celles d'une ville et d'une collectivité qui se retrouvent dans leur équipe fanion. Il n'y a de nombreux supporters des verts dans le Puy-de-Dôme. Il y a une fierté, Saint-Étienne a été connu pendant des décennies grâce aux Verts et de la même manière, on voit l'engouement que l'ASM a suscité sur l'Auvergne quand elle remporte son premier Brennus en 2010. Une victoire de son club, c'est une manière de devenir quelqu'un, d'être reconnu et pas simplement une ville ouvrière qui pourrait être méprisée par des élites. Les gamins du coin rêvent de porter ce maillot vert ou de porter le maillot jaune et bleu toute leur vie comme Aurélien Rougerie. Quand un joueur est identifié complètement à la ville et qu'il incarne le rêve de tous les gamins du coin, cela fait rêver toute une population.
10 euros aux éditions CHUM dans les magasins habituels et en commande aux Volcans.


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