L’irréductible linguiste confirme qu’il y a bien « une part de [lui] » dans la version d’outre-rhin d’ « Astérix et la Transitalique », le 37ème tome de la saga, paru le 19 octobre chez Egmont Ehapa. D’ailleurs, Klaus Jöken a revu et corrigé la plupart des blagues. La moitié, au bas mot. « Un jour Uderzo m’a dit qu’il ne fallait pas traduire mais adapter » précise ce Moulinois de 59 ans, aussi malicieux que le célèbre héros gaulois. Mais loin de lui l’idée de monter sur un bouclier pour en tirer gloriole. Il faut rendre à César, etc. « Je fais un travail de l’ombre. Un bon traducteur, c’est quelqu’un qu’on ne remarque pas » glisse-t-il avec humilité.
Pour s’exprimer, Klaus Jöken s’escrime dans sa bulle : son principal collègue de bureau, c’est sa tasse de café. Il apprécie également le réconfort de ses dictionnaires, lexiques et autres recueils de citations. S’il se barricade pour faire renaître Astérix, c’est aussi pour des raisons de confidentialité. La série étant la plus grosse exportation littéraire française, une fuite sur le scénario ferait plus de mal à l’éditeur qu’une bonne baffe à un légionnaire. Du coup, c’est motus et bouche cousue jusqu’à la parution : même sa femme et son fils ne connaissent rien de l’histoire. Pour éviter de croiser la route de pirates malintentionnés, son ordinateur est dépourvu d’accès à Internet.
L’autre défi d’une telle traduction, c’est d’être à la portée de tous : des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes, des intellos, des décérébrés, des maigres et des gros. En Allemagne, le tome 37 a été tiré à 1,7 millions d’exemplaires. Pas facile de pondre un texte universel avec différents niveaux de lectures. « Si je devais juste traduire, il me faudrait cinq jours de travail. Pour une adaptation, c’est deux mois. »
En plus, il faut toute faire rentrer dans les bulles. Or, l’allemand prend plus de place que le français. Environ 20 %... Ironie du sort : une fois l’adaptation validée, les éditions Albert René la retraduisent en français pour voir si ça colle à l’original. « Traduire Astérix est un grand challenge. C’est le summum de la discipline. Quelque chose de très stimulant. Je peux dire que ça a changé ma vie » confie Klaus Jöken, pas peu fier d’apporter son menhir à l’édifice.
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