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Muraille de Chine : soleil levant sur la ville

06h33 - 15 avril 2023 - par Guillaume Bonnaure
Muraille de Chine : soleil levant sur la ville
Au rythme d'un bloc par semaine, le bâtiment composé de 14 blocs sera démantelé.

Depuis début avril, les premiers coups de pelleteuse grignotent la « Muraille de Chine », cette barre d'immeuble qui surplombe la ville depuis 60 ans. Cet édifice de 320 mètres de long qui logeait 800 personnes va laisser place à un parc arboré. Clermont-Ferrand et le quartier Saint-Jacques vont changer de visage.

Riverains, politiques, acteurs du paysage urbanistique clermontois ou membres de l'association « Aux anciens locataires de la Muraille et de l'allée des Dômes », attendaient de voir avec émotion, appréhension et soulagement, les premiers coups de pelleteuse « manger » les premiers blocs de la Muraille de Chine, barre « verrue » véritable symbole de la construction insensée des Trente glorieuses mais cocon de dizaines de familles clermontoises depuis les années 60.

Depuis 1961, cette barre de 320 mètres de long pouvant accueillir 800 personnes dans 354 logements faisait partie du paysage local mais surtout de la vie des habitants de Saint-Jacques.

Aujourd'hui, les logements sont pleins de courants d'air. Les ouvertures laissent place à une vue imprenable sur la ville basse. Seuls, les portraits en noir et blanc du photographe Charles Rostan témoignent encore d'une trace de vie.

Sur place, les riverains avaient du mal à cacher leur émotion au moment où la machine de 110 tonnes et son bras de 38 mètres de long s'est mise en action. Il y a 14 blocs à détruire. Un par semaine. La destruction de la Muraille devrait donc prendre un peu mois de quatre mois. Le dernier bloc, le plus proche du viaduc et de la circulation sera écrêté au moyen de petits engins positionnés sur le haut du bâtiment. Tout en douceur...

« C'est une bonne chose mais cela fait un peu mal au cœur, j'y ai vécu 15 ans » nous disait Brigitte sur notre page Facebook.

« La destruction de cette Muraille de Chine, c'est l'une des décisions les plus importantes de mon mandat avouait le maire Olivier Bianchi. Elle a accueilli des centaines d'habitants. Mais nous ne sommes plus dans les trente glorieuses : construire vite des bâtiments pour pouvoir loger le plus vite possible ces ouvriers-paysans qui ont accompagné l'industrialisation du pays. Aujourd'hui, les enjeux écologiques et énergétiques sont tout autres. Il était temps que le paysage change et accompagne la mutation de cette ville, de ville industrielle à ville ouverte sur son environnement proche. »

C'est l'un des plus grands chantiers de déconstruction en Europe. En 2021, 168 logements de l'Allée des Dômes, près de la Muraille ont également été grignotés.

Histoires

Les logements ne répondaient plus aux attentes des locataires. Il n'y avait pas de balcon et comprenaient des petites surfaces. L'isolation phonique et thermique n'était plus aux normes et la barre n'aurait pas supporté une restructuration lourde et de toute façon la demande avait baissé pour loger dans cet immeuble géant. En plus, la Muraille avait un ascenseur arrivant à mi-palier... Peu pratique. Enfin, il y avait de l'amiante !

« Nous avons estimé que l'intérêt général était de détruire cet immeuble et de laisser place à un grand jardin » déclarait le préfet Philippe Chopin.

Le budget de la déconstruction est de 12 millions d'euros et un financement ANRU couvre la totalité des frais techniques des travaux.

Demcy (filiale d'Eiffage) est en charge des travaux et de ce nettoyage pour créer de grands plateaux en enlevant toutes les cloisons non-porteuses.

Les déchets issus de la déconstruction de la Muraille sont triés pour être réutilisés : plus de 93 tonnes de bois recyclées pour notamment alimenter les chaufferies ou être transformées en aggloméré ; plus de 13 000 tonnes de béton inerte dédiées à la confection de routes ou de plateformes ; et plus de 198 tonnes de déchets liés aux fenêtres, métaux, ferrailles triées pour être recyclées. Une vingtaine de PME locales interviennent sur le chantier et chaque jour, 30 à 40 personnes sont présentes.

« C'est toujours compliqué de déconstruire un immeuble avouait Anne-Claire Mialot, directrice générale de l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU). Car on touche à des vies, à une histoire. Mais le travail mémoriel a permis aux habitants de dire au revoir à leur immeuble. »

Les anciens locataires, qui avaient tissé des liens avec les voisins sont même relogés au sein d'un même immeuble ! Le taux de satisfaction des personnes relogées dépasse les 90 % grâce à un accompagnement individualisé des familles. Les plus âgés dans le même quartier afin de ne pas brouiller leurs repères ou leurs habitudes. Deux tiers des habitants ont été relogés dans le quartier Saint-Jacques selon leur désir, avec l'aide d'Assemblia.

Pour d'autres qui travaillaient loin du quartier Saint-Jacques se fut l'occasion de basculer sur un autre chapitre de leur vie. Les déménagements ont été pris en charge par Assemblia. avec un loyer correspondant à la situation de chaque famille.

St-Jacques 2030

Les étudiants des écoles d'arts ont travaillé pendant trois ans sur le nouveau projet qui va transformer le quartier et la ville.

Ce sont de nouvelles connexions avec Beaumont et le centre-ville qui vont se mettre en place mais également avec les acteurs déjà présents comme le Cancéropole et le CHRU. C'était également une question de sécurité aussi pour lutter contre le trafic de drogue.

Grand parc métropolitain de 3,5 hectares à la place de la Muraille de Chine, transformation du quartier Churchill et de la place Dunant-Pourrat... rendre le quartier plus agréable à vivre dans un environnement apaisé et végétalisé, développer les mobilités durables, diversifier l'offre d'habitat et de services (crèches, écoles, gymnase, commerces...), pour accueillir de nouveaux publics et ouvrir le quartier Saint-Jacques sur le centre-ville, ce sont les grands axes du projet « Saint-Jacques 20230 ».

« C'est très emblématique de ce qu'on souhaite faire : lutter contre la ségrégation sociale et territoriale » expliquait Anne-Claire Mialot la directrice générale de l'ANRU.

En décembre 2023, le chantier de déconstruction sera terminé et le terrain remis à la Métropole pour le démarrage des travaux du futur parc. Un nouveau chapitre dans l'histoire du quartier Saint-Jacques s'ouvrira alors. Avec un horizon dégagé.

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