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La violence des bandes de jeunes

11h31 - 21 février 2025 - par Info Clermont Métropole
La violence des bandes de jeunes
Pour Marc Ferrero, plusieurs raisons viennent expliquer ce regain de violence brutale. - © DR

La violence est partout, en particulier chez les jeunes que ce soit les coups physiques, les couteaux ou les armes à feu, conséquences de règlements de comptes entre bandes ou individus. Comment expliquer cette dramatique escalade ?

Un peu d'histoire est donc bien nécessaire en précisant que les bandes ont toujours existé avec des points de similitude et des différences dont la plus importante reste l'âge qui voyait des personnes nettement plus âgées (20-25 ans) s'affronter.

Il s'agissait auparavant plutôt de bandes de voleurs comme celles, par exemple, de Mandrin au XVIIIe siècle.

Puis la révolution industrielle a vu apparaître les bandes de grands adolescents telles les « Apaches » au XIXe qui doivent leur nom aux indiens vécus comme dangereux à l'époque importés de la culture américaine très en vogue à ce moment de l'histoire occidentale.

Puis ce furent les loubards et les blousons noirs - après la seconde guerre mondiale - qui inquiétèrent les « bourgeois » avant de devenir à leur tour des citoyens respectables installés dans une société plutôt non fractionnée. C'était évidemment un univers d'apprentissage de la virilité (il n'y avait pas de femmes...) et de la sociabilité surtout vivace les vendredis soir et les week-ends. Il s'agissait de rivalité entre bandes telles celles vues dans le film « West Side Story » de 1962 et son remake de 2021 racontant un combat ethnique pour les beaux yeux des jeunes filles où il s'agissait alors de conquérir le cœur de la belle !

Autre différence notable : les couteaux et les serpettes ont remplacé les chaînes de vélo et de moto !

Plusieurs raisons viennent expliquer ce regain de violence brutale. Il y a, bien sûr, la disparition d'un encadrement des personnes plus âgées envers les plus jeunes : partis politiques, paroisses, religions, syndicats qui jouaient un rôle prépondérant dans la structuration des personnalités des adolescents. Même ce qui fut un temps appelé les « grands frères » ont disparu.

Du virtuel au réel

Puis, la question de l'autorité des parents mérite d'être évoquée : nous constatons aujourd'hui la présence à des heures où ils devraient être dans leurs lits et qui sont dans les rues d'enfants dont l'âge ne dépasse pas 10-12 ans alors qu'ils devraient être dans leurs familles elles-mêmes bien mal en point. Il faut aussi souligner l'importance des jeux vidéo où la violence est omniprésente et où quand on prend un coup de sabre ou une balle, on se relève dans la minute qui suit ! La violence dans ces « réels » ou dans les jeux est ainsi aujourd'hui inconnue dans ces impacts les plus délétères... Si l'on rajoute à ces comportements les réseaux sociaux avec leur cortège d'injures, de videos-lynchages (happy slapping) ou le binge drinking (boire jusqu'à être ivre le plus rapidement possible) ajoutés à une consommation d'alcool effrénée, celle du cannabis, de l'héroïne ou des drogues de synthèse, on aura une idée de la violence qui s'empare de tout un pan de la jeunesse contemporaine sans que ces jeunes ou moins jeunes puissent en avoir conscience.

Cette violence prend racine dans les violences familiales ou dans la déstructuration des familles où les actes ont remplacé les mots et la parole. De nombreuses études ont montré que les adolescents les plus violents ou même les adultes qui les entourent disposent de moins de 3 000 mots pour s'exprimer ! On comprendra alors que l'ambiance peut être lourde et quelquefois insupportable dans des logements sociaux exigus...

Que faire pour essayer d'enrayer un tel engrenage ? La première solution serait sans doute de proposer à ces adolescents un avenir un peu plus radieux que le chômage ou l'argent facile. Puis de leur proposer des activités organisées dans des espaces d'animation où ils pourraient développer un sentiment de propriété et d'appartenance. Avec un encadrement approprié sous forme de mentorat bienveillant où la culture, les loisirs et les sports seraient l'objet de découvertes et l'occasion de découvrir d'autres choses que la bande et ses lois de la jungle.

Et, enfin pour les réfractaires et les délinquants, envisager un temps de la sanction qui soit le plus proche de l'acte délictuel car c'est, de nos jours, ce qui est véritablement le plus difficile à faire incarner par les services judiciaires. Afin de ne pas faire de ces jeunes ni des exilés de la société, ni des exploités et, encore moins des errants.

Car le sentiment d'impunité est le plus actif et le plus propice à la réitération des actes contre les personnes, les biens et les institutions quand l'être humain n'a pas acquis une conscience morale donnée par les siens.

Marc Ferrero Psychologue clinicien. Co-auteur de « L'enfant et ses complexes » Editions Mardaga. 2021. marcferrero@wanadoo.fr

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