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Législatives 2024. L'analyse de Mathias Bernard : « Il n'y aura pas de chamboule-tout dans le Puy-de-Dôme »

06h18 - 28 juin 2024 - par Propos recueillis par Julien Poireau
Législatives 2024. L'analyse de Mathias Bernard : « Il n'y aura pas de chamboule-tout dans le Puy-de-Dôme »
Mathias Bernard, président de l'UCA.

Président depuis 2017 de l'Université Clermont Auvergne, Mathias Bernard est aussi historien spécialiste des mouvements politiques. Il répond à nos questions et analyse une actualité inédite « dont nous n'avons pas de précédent en France ».

Comment analysez-vous la situation politique en France, depuis les résultats des élections européennes ? Est-ce que c'est du jamais vu ?

Je crois que c'est une situation dont nous n'avons pas de précédent en France. La difficulté de ces élections-là, c'est qu'elles ont été décidées avec une prise de risque extrêmement forte et dans un contexte défavorable, que l'exécutif espère inverser par une campagne courte et en misant sur l'incapacité des oppositions à se rassembler et à proposer une alternative rassurante au pouvoir en place. D'où la dramatisation de l'enjeu électoral par la majorité qui essaie de se positionner face aux menaces que feraient peser les 2 oppositions, le Rassemblement National et le Nouveau Front Populaire, sur la démocratie, le fonctionnement des institutions...

La gauche s'est alliée sous le nom de Nouveau Front Populaire, est-ce que cette alliance se rapproche du Front Populaire de Léon Blum ?

Oui, il lui ressemble par 2 caractéristiques. D'une part, l'alliance de la gauche la plus radicale, avec le NPA, jusqu'au centre gauche modéré gouvernemental avec les héritiers du « hollandisme » et toute l'aile Place Publique. De Philippe Poutou à François Hollande, c'est un petit peu comme de Maurice Thorez jusqu'à Édouard Herriot en 1936. Ce premier élément, du regroupement très large des gauches, se fait en dépit de divergences très importantes, comme en 1936 sur la situation de la guerre civile en Espagne, sur des questions économiques, autour de l'Union Soviétique... Dernier élément de similarité, c'est la motivation de l'alliance des gauches qui est le risque de l'arrivée au pouvoir d'une droite dominée par son aile la plus radicale, populiste et autoritaire.

Qu'est-ce qui explique la progression actuelle du RN ?

Depuis son arrivée en 2011, Marine Le Pen est parvenue, dans le cadre d'une stratégie de dédiabolisation, à atténuer l'identification de son parti à l'extrémisme. Il y a beaucoup d'électeurs du RN, qui n'ont pas le sentiment de voter pour une force extrémiste. Il y a plusieurs raisons qui expliquent cela. D'une part, le RN s'est positionné progressivement comme un parti visant à exercer le pouvoir, il n'a pas fait simplement de la thématique anti immigration le seul ressort de son programme. Il y a aussi eu l'émergence d'une extrême droite identitaire avec Éric Zemmour, qui a contribué à recentrer le RN par effet de contraste. Il y a aussi tout l'enjeu autour de l'antisémitisme, avec une sorte d'inversion des images avec une partie de LFI qui est suspecté d'antisémitisme alors que le RN se fait le défenseur de la politique d'Israël et donc des Juifs. Le RN apparaît aujourd'hui quasiment comme la dernière alternative, après Sarkozy, Hollande et Macron. La volonté d'alternative est l'un des ressorts du vote RN.

Est-ce que l'on pourrait assister à un renversement des équilibres politiques dans le Puy-de-Dôme ?

On ne peut pas transposer les résultats d'un scrutin européen à un scrutin par circonscription. La Haute-Loire et le Cantal ont donné plus de 35 % des voix à Jordan Bardella, et je reste persuadé que les 4 députés sortants, représentés par Les Républicains, seront réélus. Il y a une prime aux sortants, à la personnalité qui va jouer, et qui peut atténuer la domination aujourd'hui du RN sur l'électorat, et qui peut favoriser les partis les mieux implantés, type LR et PS. Je pense qu'il y aura une atténuation, c'est pour cela que je ne pronostique pas une victoire du RN à la majorité absolue. Il y a quand même 2 circonscriptions, à mon sens, où la situation est potentiellement fragile, avec la circonscription d'Issoire et celle de Moulins, dans l'Allier. Dans la première, la députée Modem l'avait emporté de quelques dizaines de voix d'écart, dans la deuxième, on pouvait constater la progression du RN. On ne pourra pas inverser complètement le rapport de force, car l'écart est trop important, mais il n'y aura pas de chamboule-tout dans le Puy-de-Dôme et plus largement en Auvergne, me semble-t-il.

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